Le lendemain, l'état psychologique de Clément s'empirait. Etant donné qu'il était mardi, il retourna au collège avec la même motivation que la veille. Son corps le transporta du matin jusqu'au soir et la journée s'écoula sans même l'effleurer. Le sujet de son obsession devenait flou car il ne s'agissait plus tellement de Jessica mais plutôt de retrouver les images de la jeune fille contenues sur son ordinateur.
C'est d'ailleurs la seule et unique tâche qu'il fît en rentrant chez lui ce soir là. En allumant l'écran, il avait la certitude d'alimenter ses pensées picturales et déviantes. Ce n'était d'ailleurs qu'un leurre puisque sa faim ne serait pas rassasiée par la seule vidéo du viol de son amie.
Au début de son enquête , il avait perçu les vidéos trouvées sur l'ordinateur d'Alain comme une fin de non recevoir. Bien que cet homme, voisin de Jessica, souffrait de perversion sexuelle, cela ne faisait pas de lui un criminel. Clément ne voyait aucun lien entre le visionnage de scène pornographique infantile et le passage à l'acte, il avait donc mis de coté cet aspect de l'enquête.
Aujourd'hui son esprit était embourbé dans le doute que cette affaire n'avait pas trouvé de conclusion et dans cette obsession devenue perverse à l'attention de Jessica. Toutes les barrières qu'il existait alors entre les éléments dans sa tête avaient sautées. Au contraire, ces frontières étaient devenues des liens et le raccourci entre Jessica, la pornographie, la criminalité ou encore ses propres envies d'adolescent était vite trouvé.
Alors, il les prit une à une, les vidéos qui se présentaient dans le dossier. Pour chacune d'entre elles, il imaginait l'âge de la fillette. Plutôt, il décidait de l'âge qu'elle aurait pu avoir en fonction de ce qui lui était moralement supportable. D'ailleurs, si la fille lui semblait trop jeune, il zappait comme si la limite à ne pas dépasser concernait un âge limite bien précis. Pour celles qu'il regardait, il se demandait s'il pouvait être à cette place, en compagnie d'une fille qui n'avait d'autre fonction que de satisfaire l'homme qui en profitait.
C'est alors qu'il vit Rachel, qu'il avait croisé deux jours plus tôt dans les rues du village en compagnie de la sœur de Mélodie. Comme les autres, elle s'était mise à genoux pour se soumettre à l'adulte qui était avec elle. Il s'agissait sans doute d'une première fois tant les gestes de la gamine étaient hésitants. Malgré tout, elle exécutait tous les désirs qui lui étaient demandés. Son innocence lui fût totalement prise alors que son jean était tombé sur ses chevilles.
Clément absorbé par la scène n'en était que le spectateur lubrique. Dans cette position, il devenait acteur de cette relation comme un consommateur de drogue ayant comblé son manque obsessionnel. Ce n'est qu'une fois la tension entièrement expulsée, une fois qu'il avait retrouvé tout son souffle que son esprit d'analyse lui revint tel un boomerang.
Il connaissait donc Rachel, cette gamine s'étant fait filmée en train d'être abusée par un homme d'au moins trente ans de plus qu'elle. Le décor se retrouvait dans plusieurs autres vidéos, ce qui signifiait plusieurs choses. Il y avait des chances pour que ces actes se soient passés proches de chez lui, peut-être même dans son village. Toutes ces filles, il aurait pu les connaitre, car elle allait dans le même collège que Rachel. Et enfin, l'agresseur des gamines était il celui qu'il avait recherché quelques jours auparavant?
Ca se passait dans une forêt, sans doute en marge d'un chemin de randonné ou d'une route de campagne. Les petits chênes abritaient à leurs pieds des buissons épineux. Il y avait quand même cette petite clairière où se déroulaient ces actes sexuels, un endroit suffisamment discret pour que ce soit toujours le même. La végétation était typique de la région et Clément s'en voulait de ne pas l'avoir remarqué plus tôt.
En passant en revue les vidéos une à une, il identifiait les jeunes filles. Il pouvait faire le parallèle avec la page personnelle du réseau social de Jessica sur laquelle était présente nombre de ses amies. Quant aux hommes, il ne semblait y en avoir que deux différents. Clément supposait même qu'il passait derrière la caméra à tour de rôle. Leur visage n'apparaissait pas car l'objectif était focalisé sur la jeune fille. En étudiant bien chaque image, en se plongeant dans le visionnage des ces films, on pouvait apercevoir un morceau de visage. Avec son seul menton, Clément reconnaissait les traits de DaddyChris. Comme il l'avait supposé, le pervers s'en était pris à plusieurs autres jeunes filles. Il avait réussi à établir un trafic composé de l'entourage de Jessica. On retrouvait là, la plupart de ses camarades de classe. Le point central de cette affaire était il justement la classe dans laquelle se trouvait Jessica. Les élèves faisaient ils l'objet d'une mauvaise influence de la part d'un professeur pervers?
Dans la vidéo suivante, il voyait de dos une troisième personne. Une inconnue de taille moyenne à la chevelure blonde. Il s'agissait certainement d'une teinture ce qui laissait présager de l'âge de la personne. Clément soupçonnait fortement des personnes du corps enseignant. Encore une fois il était frustré d'être un exil dans son établissement privé. S'il avait fait parti du même collège que Jessica et ses camarades, il aurait pu reconnaitre les agresseurs non identifiés. Même s'ils n'étaient que de dos, où s'il ne voyait que de menus détails, sa perspicacité lui aurait permis de confondre les coupables.
Dans sa tête, les différents éléments glanés prenaient leur place. Les jeunes filles de la classe de Jessica étaient abusées par un groupe de pervers. Il s'agissait peut-être de prostitution ce qui expliquerait les transactions de 50 euros évoquées dans les conversations lues sur les réseaux sociaux. La tête de ce réseau était en train de se constituer un véritable catalogue avec des jeunes filles qu'il était possible de choisir sur photo. Pour les clients, la vidéo attestait de la garantie de leur capacité à exhausser leurs souhaits les plus malsains.
La théorie de Clément s'appuyait sur le fait que les gamines n'apparaissait une fois et une seule. Pas l'une d'entre elle ne faisait l'objet de deux films. Il continuait donc de parcourir le catalogue et tomba sur Maëva. Elle aussi était tombée entre les griffes de ces personnes.
"Mais c'est ma sœur que tu regardes!". Clément se tourna brusquement de sa chaise de bureau pour voir que Mélodie se tenait derrière lui. Elle avait du rentrer par la fenêtre comme elle en avait pris l'habitude et il ne l'avait pas entendu. Elle l'avait surpris au pire moment, en train de regarder sa sœur avoir un rapport sexuel tarifé avec un inconnu.
Le cœur de Clément avait failli sortir de sa poitrine. Il se demandait comment elle allait réagir à cette scène. Voir sa petite sœur dans une position aussi inapproprié, et qui plus est, surprendre son ami en train de visionner la scène aurait du la choquer doublement. Il s'attendait à ce qu'elle réagisse avec incompréhension en expulsant larmes et cris. Comment Mélodie qui se plaignait toujours du favoritisme accordé à sa sœur allait elle réagir à cette situation?
Elle pris une chaise pour s'assoir à coté de Clément. En fond, la vidéo continuait de défiler comme un spectacle désolant. Clément ne comprenait pas ce qui se passait, la réaction de Mélodie n'avait rien de commun à ce qu'il s'attendait. Elle commença par poser la main sur sa cuisse et la pressa fermement comme si elle cherchait des forces pour trouver ses mots.
"Comment tu as eu cette vidéo?". Clément n'en revenait pas. Mélodie aurait pu s'insurger de voir sa sœur dans un exercice non adapté à son âge. Elle aurait pu interpréter que son ami était un pervers qui matait de la pornographie. En plus, il ne s'agissait pas de n'importe quel film puisque qu'il mettait en scène une petite fille avec un adulte. La petite fille n'était autre que sa petite sœur.
Rien de tout cela n'avait affecté Mélodie. Bien que Clément ait conscience que son intellectuel lui inflige parfois un comportement un peu spécial, il ne pouvait pas croire que Mélodie soit si imperméable à ses évènements. Ou alors...