Round 1/30 écrit le vendredi 6 mars 2015
1066 mots | 6362 signes









- Tu lâches un mot, j’te fais la peau ! Je suis coincé. Pas moyen d’échapper à ces bras de mastodonte. Elle est plus grande, plus forte que moi… et pourtant je découvre de la peur dans ses yeux. Je fais le brave :
- C’est quoi ton problème ? J’t’ai rien fait ! C’est vrai j’ai rien fait. J’ai juste vu quelque chose. C’était comme un éclair blanc qui est sorti de sa manche pour atterrir dans son pupitre. Elle n’a pas de chance, la nouvelle. Le prof lui a dit de s’assoir à côté de moi, même si j’ai bien vu qu’elle lorgnait vers le pupitre-double libre au fond de la classe. Le prof, lui, avait l’air soulagé d’avoir enfin trouvé quelqu’un à mettre à côté de moi. Il ne serait plus obligé de faire les exercices à deux avec moi.
- T’as rien fait peut-être mais t’as vu un truc… raconte !
- J’vais pas en parler, promis ! dis-je d’une toute petite voix.
- Faut que je sache.
- J’ai juste vu un truc blanc que t’as laissé tomber de ta manche, mais ça ressemblait pas un mouchoir.
- T’as le don d’observation, toi. Qu’est-ce que tu crois que c’était ?
- Je sais pas moi, une antisèche peut-être…
- Bip ! T’as tout faux !
- … mais comme t’es nouvelle, tu pouvais pas savoir pour le test. Je réfléchis un instant.
- Ca y’est, je sais : une lettre de ton amoureux que t’as laissé d’où tu viens ! »
- Bip ! Bip ! Dernière chance !
- En fait, je crois que j’ai vu une souris blanche. Mais elle était un peu grosse et puis une personne bien dans sa tête emporterait pas une souris au collège... je crois. Son regard lance des éclairs.
- Idiot ! hurle-t-elle, c’est un rat ! Mon sang ne fait qu’un tour. J’ai horreur des rats ! J’ai peur des rats ! Je demande d’une voix tremblante :
- Ça… ça… ça… existe… les… les… les… rrrrrrrrrrrats… blancs ? Pour toute réponse, elle fait un drôle de bruit, un peu comme celui que je fais quand j’appelle Chaussette. Soudain, du col de son t-shirt sort une petite tête blanche au museau pointu qui me fixe de ses yeux rouges. Je commence à frémir puis des spasmes incontrôlables me prennent. La seule chose qui me tient debout sont les bras costauds de cette grande fille brune. En passant par le bras tendu de sa « maîtresse » le rat vient me renifler le nez. C’est la goutte qui fait déborder le vase : je tombe dans les pommes. À mon réveil, ce sont les murs blancs de l’infirmerie qui m’accueillent. Je tourne ma tête vers le bureau séparé de la salle de repos par une vitre. J’y vois l’infirmière en pleine conversation avec la nouvelle. Elle a l’air perdu. Elle secoue la tête et dit un truc que je n’entends pas, mais que je peux lire :
- Non, je ne sais pas. J’ai juste entendu un drôle de bruit quand je suis passée devant les toilettes des garçons. Comme il n’y avait personne j’ai poussé la porte et je l’ai trouvé allongé devant les pissoires. Je crois qu’il a fait un malaise. J’ai tout de suite cherché de l’aide. Je ne vois pas la réponse de l’infirmière qui me tourne le dos.
- Il est réveillé, dit soudain la fille qui a tourné la tête vers moi. L’infirmière se retourne et se précipite vers moi. Elle pose sa main fraiche sur ma nuque. Puis demande doucement :
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Je tourne les yeux vers la nouvelle. Son regard me supplie de ne rien dire.
- Je crois que j’ai vu une souris dans les toilettes, dis-je en fixant la garde-malade droit dans les yeux. Et puis je n’ai pas beaucoup mangé ce matin. Je crois que le choc m’a fait tomber dans les pommes.
- Ça t’arrive souvent, ce genre d’hallucination ?
- Je n’ai pas la berlue ! Je ne suis pas fou !
- Tu sais que de ne pas assez manger avant de venir au collège, ça peut créer des problèmes de concentration ou de malaise et parfois même des hallucinations. Je te conseille de manger un peu plus avant l’école ! Je te garde la prochaine heure en observation et après tu pourras rejoindre tes camarades. Toi, dit-elle en pointant la nouvelle du doigt, tu peux retourner dans ta classe. Je te donne un mot d’excuse et tu diras que ton camarade ne revient que pour la prochaine leçon. Elle retourne dans son bureau pour remplir son mot d’excuse et je ne sais quel formulaire. Je me tourne vers la nouvelle qui est restée plantée devant le lit et qui contemple le paysage gris par la fenêtre.
- Moi c’est Tom, dis-je en la faisant sursauter.
- Lucy, mais ça tu le sais déjà. Le prof l’a dit quand je suis entrée.
- Ben, en fait, j’ai pas trop fait attention. J’étais en train de lire un comics.
- Sympa l’accueil… J’essaie de me rattraper.
- Merci de m’avoir sauvé…
- Pas d’quoi. Merci de n’avoir rien dit…
- Pas d’quoi. Je ne sais pas mentir. Il a fallu que je trouve quelque chose de plausible pour ne pas avoir à tout dire. De toute façon, elle ne m’a même pas cru. J’imagine que les services d’hygiène sont scrupuleux dans leur recherche quand ils font leur inspection annuelle.
- Ouais… Tu sais, il est pas méchant. Il ne te ferait pas de mal… Il s’appelle Dardar.
- Mais c’est le nom de la super souris…
- … oui mais c’est un rat.
- Il n’est pas un peu malade ? Il a les yeux tout rouges.
- Idiot ! C’est un albinos. Il a été rejeté par sa famille et je l’ai adopté quand il était tout petit. Maintenant, c’est moi sa famille. Je ne peux pas le laisser seul à la maison sinon il fait des bêtises. La dernière fois, il a fallu que je dise à papa que j’avais invité des copains et que c’étaient eux qui avaient détruit le salon.
- Quoi ! Tes parents savent pas que tu l’as ?
- Mon père ne veut pas d’animal de compagnie.
- Et ta mère ? Là, je crois que j’ai fait une gaffe. J’ai à peine le temps de voir une larme avant qu’elle ne se retourne, se dirige vers le bureau de l’infirmière et disparaisse avec son mot d’excuse. Les heures suivantes, elle m’évite, sort toujours plus vite que moi des salles de classe. À la fin de la journée, j’arrive à glisser un mot dans son sac à dos alors qu’elle récupère les leçons précédentes auprès du prof. Pourvu qu’elle le trouve … J’ai écrit : « Faut qu’on parle. Signé : Tom »