Opéra par elisaba

Campagne commencée le lundi 9 mars 2015

Rounds Mots Signes Temps
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Round 1/60 écrit le lundi 9 mars 2015

178 mots | 995 signes

on l'appelle Tsova, son nom est Tsovahars Yerkel, la sirène chantante. Elle regarde l'homme assis sur le lit, avec son ventre rond, ses jambes blanches et cette couleur de peau si blanche, si près de celle des cadavres. Il est là, l'air un peu perdu, comme s'il attendait quelque chose d'elle. Elle n'a rien à lui donner. Elle est là pour trouver l'homme dont elle pourra tout prendre, sans peur, sans colère, sans émotion, et qui repartira comme il est venu pu presque, à moitié mort pour finir là-bas, totalement mort, dans le ruisseau ou dans le caniveau. Pour cette nuit elle n'a encore pas trouvé l'homme. Elle ne se retourne pas quand il se lève, elle l'a déjà oublié. L'homme, lui, la regarde. Il se sent mal, il a honte et en même temps il se dit que c'est elle qui l'a cherché, après tout elle faisait quand même bien le trottoir! Drôle de pute quand même qui commence par te demander si tu sais chanter! Oui il a appris, et pratiqué pendant de nombreuses années

Round 2/60 écrit le mardi 10 mars 2015

1 mot | 0 signe

Round 3/60 écrit le mercredi 11 mars 2015

250 mots | 1441 signes

il se penche pour prendre ses lunettes sur la tablette à côté du lit, une tablette qui penche vers le mur, accrochée par une équerre en laiton tordue. Il jette un regard circulaire pour surtout pouvoir oublier qu'il est venu là. Mais comment s'est-il laissé embarquer dans cette histoire? Il a 57 ans, professeur de mathématiques, une vie tranquille, un peu trop peut-être. Il aime aller au théâtre avec des amis, il aime aller écouter les conférences sur la musique à l'opéra, il aime les bons petits restaurants, tout tranquillement il déroule sa vie. Lorsqu'il se regarde dans la glace il voit un petit homme un peu rond, mais pas trop, les cheveux ont blanchi et se sont un peu parsemés, myope depuis l'adolescence il porte des lunettes qui lui donnent l'allure de ce qu'il est : un prof de maths. Il cherche comment il a rencontré cette femme, il ne sait plus, mais pourquoi est-ce si difficile de se souvenir? Hier? Avant hier? Vague image passant comme un nuage dans le ciel : une femme ailée, un chant à l'intérieur de sa tête, même plus, à l'intérieur de tout son corps, et puis l'impression d'avoir à nouveau 20 ans, rien ne résiste à ça : être à nouveau jeune, être regarder par une femme jeune. - Quel imbécile, pense t'il! Pauvre type, toi qui plaisantes sur ceux qui ne veulent pas avoir l'âge qu'ils ont! Imbécile! Il sent la honte, là, au niveau de l'estomac, comme une nausée diffuse

Round 4/60 écrit le jeudi 12 mars 2015

235 mots | 1367 signes

Tsova se tourne lentement vers la fenêtre de toit, là d'où la lumière vient. Aujourd'hui la lumière est comme l'eau, moite, translucide, brumeuse. Le chien s'étire puis sors de sa couverture. Divi, c'est son nom. C'est un bouledogue français, tout blanc. C'est une femelle et elle l'a appelée Divi parce que l'un de ses hommes sans voix lui a dit un jour "tu es farouche, Tsova, et dans ma langue macédonienne, farouche se dit Divi". Elle a entendu le mot résonner en elle et quand un autre homme lui a donné la chienne, elle a su que c'était le nom à lui donner. Comment il s'appelait déjà l'autre mâle castré qui la disait farouche? Guillelme, c'est ça. Il était frileux, tout en longueur, comme une sorte de légume resté trop longtemps sans lumière et qui se met à pousser quand il perçoit le soleil. Il était blond, avec une toute petite cicatrice,là, au bord de la main, comme un fil blanc. Il n'a pas tenu longtemps après leur rencontre. Elle a su qu'il était mort d'un arrêt cardiaque dans les coulisses du théâtre des Célestins, mais il n'était plus tout jeune. Et puis elle n'est pas concernée par ce qui leur arrive. Elle a sa vie et sa quête. "au-revoir ou adieu Tsova?" demande l'autre maintenant debout. Ah il est encore là. Celui-ci c'était vraiment un coup pour rien. "au revoir seulement, on se revoit demain"

Round 5/60 écrit le vendredi 13 mars 2015

243 mots | 1423 signes

ce soir elle est encore plus belle, encore plus sensuelle. Elle part en chasse, c'est ça, en chasse. Ce sera peut-être une belle nuit sans étoile, sans lune, une belle nuit au soleil de velours immense, doux. Elle entoure son poignet du bracelet de brillants, celui-là c'est l'autre Armand qui le lui avait offert. Il est le tout premier de sa quête et lui, elle ne l'a pas encore complètement oublié. Il parlait tellement! Tsova avait cru qu'il allait se mettre à chanter tellement il disait de mots à la minute, mais non, il parlait comme s'il hurlait "maman écoute moi". Elle avait presque senti un début d'attendrissement pour cet homme. Il portait aussi un foulard rouge et elle avait cru que c'était ce foulard-là. Ce foulard que porte celui qu'elle cherche, celui qui a sa voix. C'est Armand qui l'a emmenée à l'opéra, elle a été impressionnée, presque apeurée par cette salle comme le ventre d'un monstre marin métallique et noir, tous ces balcons, comme des poches ventrales emplies de visages. Ce soir-là il lui a offert un bracelet et une boîte à musique, et en la dévisageant il a dit "qui es-tu?". Cet Armand n°1 c'est un peu l'Amant n°1. Il avait des yeux vert océan, des mains aux doigts doux, une chevelure comme la crinière d'un cheval en liberté, et un sourire tendre. Il pensait vite, intelligent et spirituel, il a bien perçu qu'il y avait quelque chose d'autre chez elle

Round 6/60 écrit le samedi 14 mars 2015

240 mots | 1386 signes

c'est Divi qui a aimé la boîte à musique. Elle a du prendre la danseuse pour un biscuit, elle l'a bien rongée, ensuite elle l'a balancée de droite à gauche dans sa gueule, on dit qu'elle riait de bonheur. C'est bien que Divi soit heureuse. Ce soir elle va l'emmener à la chasse, c'est un chien de chasse le bouledogue français. Après tout leurs ancêtres étaient des molosses qui se battaient contre les lions. Divi elle chasse de temps en temps les rats, il y en a qui courent parfois le long de la Saône, Tsova va l'emmener du côté de l'opéra, on ne sait jamais, les rats à l'opéra... Tsova soupire. -"c'est pour toi mon enfant que j'ai cette quête" c'est son mantra, c'est son espoir. Tsova enfile son manteau accroché au porte manteau de l'entrée, elle frissonne un peu en ouvrant la porte. Elle descend lentement les quatre étages aux marches de pierre qui ont cette odeur de mouillé des galets après la pluie. Elle sort dans la rue, dans la nuit. En montant vers le funiculaire elle rencontre la jeune femme de l'immeuble d'à côté qui l'invite régulièrement à venir prendre un café et même si elle refuse, Tsova a de l'intérêt pour cette jeune femme. Elle inspire et se dit "je suis en vie". Elle avance tranquillement, son rendez-vous est tout à l'heure et elle ne veut pas se gâcher le plaisir de la découverte en imaginant maintenant!

Round 7/60 écrit le dimanche 15 mars 2015

234 mots | 1329 signes

Assise dans le funiculaire, elle fait en pensée le chemin qu'elle va parcourir. Elle sourit toute seule mais elle pourrait aussi sourire à Divi. Elle prend ensuite les couloirs du métro, il y a moins de monde à cette heure, les hommes la regardent, elle le sait et ne veut pas croiser leur regard, alors elle marche tranquillement sans trop lever les yeux, elle n'est pas de leur monde mais ces pauvres créatures imaginent que les jolies femmes se sentent valorisées par les yeux qui se posent sur leur corps. Pauvres créatures qui se mentent à elles-mêmes en se faisant croire que c'est "seulement parce que c'est beau un beau corps de femme", alors que c'est le désir animal venu du fond de l'océan qui les ronge. Tsova émerge de la bouche de métro et se dirige vers la petite rue qui longe l'opéra, là où il y a un petit morceau de ténèbres que la lumière de l'avenue n'arrive pas à dissoudre. Elle se redresse, si on la voyait à cet instant on pourrait devenir fou de terreur : ses jambes semblent se déformer, une cape se déploie à l'arrière de ses omoplates, elle a maintenant un fourreau d'écailles pour robe, en lamé or. Divi assise à ses pieds veille, personne n'approchera. Tsova pousse un long soupir, très long, puis laisse entrer l'air pour être à nouveau celle qui va charmer ce soir.

Round 8/60 écrit le lundi 16 mars 2015

288 mots | 1767 signes

Un homme passe tout près d'elle, il n'est pas celui qu'elle veut ce soir. Il la dépasse de quelques mètres, s'arrête puis revient sur ses pas. Il est plutôt petit, râblé, il a les cheveux en bataille. "bonsoir dit-il, vous trouvez ce que vous cherchez? - je ne cherche rien, j'habite le quartier, je fais ma balade du soir - vous savez que vous avez une aura dorée? - je ne sais pas de quoi vous parlez, mais merci quand même" Tsova le regarde dans les yeux et découvre comme une lumière dans les yeux bleus, il est différent celui-ci. Peut-être après tout qu'elle peut tenter ... "Vous allez à l'opéra? - non pas ce soir, je me balade - savez-vous chanter?" il éclate de rire devant la question incongrue. "oui, j'ai fait du chant pendant longtemps, j'ai une voix "mixte", une voix aux dégradés de couleurs bleu-verts, j'ai chanté du baroque il y a quelques années. Je suis aussi musicien à mes heures perdues. Mais cela ne doit pas vous dire grand chose - détrompez-vous, je connais les voix d'opéra, avez-vous chanté sur scène? - oui, dans un groupe amateur - ah! alors vous ne m'intéressez pas" Tsova sort de l'ombre et avance, dépassant l'homme. Il l'attrape par le poignet et regarde le bracelet scintillant. Le poignet glisse dans sa main, comme s'il était devenu fluide, surpris l'homme resserre sa prise. - vous devez vous faire payer pour avoir un tel bijou! Tsova ne répond pas, elle pense "tant pis pour lui, il va quand même chanter ce soir" - Comment vous appelez-vous demande t'elle? - Yago, Yago Stergat. C'était une idée de ma mère! et vous? - Tsova Il lâche le poignet, pris d'une sorte de peur au ventre, sentiment de danger, mais il aime le danger et plonge dans les yeux de cette femme.

Round 9/60 écrit le mardi 17 mars 2015

310 mots | 1756 signes

Yago se sent fatigué tout à coup, une sensation de lourdeur dans la tête, il essaie de fixer son attention sur le néon de la publicité en face de lui. "regarde, se dit-il, il y a une voiture bleue, un homme avec un enfant, regarde et rappelle toi. Là il y a quelque chose qui déconne mon vieux, tu pars où dans ta tête?" Même si la femme ne le touche pas, il sent qu'elle l'entraîne, elle le tire vers quelque chose, elle le force vers quelque chose ou quelqu'un. Non, il ne va plus la regarder, il va se concentrer sur la publicité, la lumière du néon. "que dis-tu demande t'il?" Elle n'a pas parlé, elle ne parle toujours pas, elle le regarde simplement. Yago n'arrive plus à détourner la tête. Il voudrait descendre dans la bouche de métro, là, tout près, il y a urgence, mais son corps ne répond pas, il se voit héler le taxi qui passe "tiens un taxi dans la rue piétonne?" il tiens la porte pour que Tsova monte "maintenant je me rappelle son nom, je la connais même, ah bon? Quel brouillard dans mon cerveau. Comment je m'appelle, moi? Je dois me rappeler la publicité, le néon, mon nom. Qu'est-ce que je fais dans cette voiture? - 3 montée Cartray dans le 5ème, s'il vous plaît, dit-elle simplement - c'est quoi cette adresse demande Yago? - c'est chez moi, ce n'est pas là que vous voulez aller? Chez moi ce n'est pas grand mais vous allez beaucoup aimer, c'est doux, chaleureux, comme les bras d'une mère, ou peut-être le ventre de votre mère. Yago ouvre la bouche pour répondre mais pas un son ne sort. Le ventre de sa mère, il n'en veut pas, qu'est-ce que cette femme sait du ventre se sa mère, de la terreur, et de la signification de ce prénom dont elle l'a affublé en mémoire des ancêtres?

Round 10/60 écrit le mercredi 18 mars 2015

259 mots | 1456 signes

Il est dans le taxi, il regarde au dehors les rues calmes à cette heure, il oublie petit à petit le néon, la publicité, il est dans un nuage ouaté, quelque chose l'enveloppe, tout en douceur, il ne sait pas s'il a vécu cela un jour, il se laisse aller. Cependant dans une partie de son cerveau il sait que quelque chose est comme différent : malgré les rues quasi désertes il semble que le trajet soit bien long pour monter vers le 5ème arrondissement. Et puis il se demande s'ils n'ont pas déjà traversé deux fois la Saône. Ensuite il retombe dans son cocon ouaté. "c'est un peu long comme trajet, non? dit-il - c'est à cause des travaux suite à l'inondation des parkings des berges à cause de la crue le chauffeur le regarde dans le rétroviseur, il a un regard de chauffeur de taxi, sans plus. Yago hausse les épaules, se demandant s'il n'est pas un brin paranoïaque avec cette manie de toujours se méfier des regards. C'est quelque chose qu'il traîne depuis qu'il est allée en Amérique du Sud faire une expérience pour savoir s'il pouvait sortir de son corps, ça a été très réussi : il a été malade comme un chien et il a perdu les pédales pendant quatre jours après avoir bu le peyotl. Il tourne la tête vers la femme et voit le chien, assis entre eux deux. "il est curieux votre chien, il vous garde ? demande Yago pour plaisanter, il a envie d'alléger l'ambiance pour que son cocon enveloppe toute la voiture

Round 11/60 écrit le jeudi 19 mars 2015

295 mots | 1695 signes

  • Ce n'est pas un chien dit-elle distraitement
  • Ah! Yago n'est même pas surpris, il sait maintenant qu'elle lui a fait prendre quelque chose à son insu. Peut-être la drogue du violeur? Elle n'en avait pas besoin, parce que pour le moment il se sent un peu trop détendu pour violer, parce que c'est bien lui qui doit violer, non?
  • non, c'est une chienne répond Tsova Yago est pris d'un fou rire qu'il voudrait bien arrêter mais impossible, il a les yeux qui pleurent, il est pris d'une quinte de toux, il rie à s'en décrocher la mâchoire. "mais d'où elle vient? C'est une extraterrestre cette fille?" il rit toujours quand la voiture stoppe à l'angle d'une rue. Tsova paie et Yago la regarde pendant que le chauffeur de taxi demande :
  • le monsieur va réussir à sortir tout seul?
  • oui, je vais sortir. Il titube sur le trottoir, il ne se souvient pas avoir bu de l'alcool, mais il est saoul. Tsova tape le code, la porte s'entrouvre, Divi s'engouffre dans l'escalier et sa maîtresse la suit. La lumière s'allume sur un vieil escalier de pierres qui a un parfum de pierres humides et d'autre chose qui évoque à Yago l'herbe, non, ce parfum d'au-delà des rêves qu'il a déjà senti. Un court instant il émerge, s'arrête, près à faire demi tour. Tsova sans se retourner tend la main en arrière vers lui. Il ne sait pas si elle a vraiment parlé mais il entend "viens", à l'intérieur de lui. Alors il lâche prise avec toutes ses pensées et se laisse emmener. Il monte lentement les marches, elles sont hautes, l'escalier un peu étroit, ses jambes ont cent ans tout à coup. Il s'appuie sur la rampe d'une main et laisse Tsova le tirer de l'autre main.

Round 12/60 écrit le vendredi 20 mars 2015

280 mots | 1717 signes

Quatre étages! enfin la porte de l'appartement. Yago suit Tsova pendant que Divi va se coucher dans son panier. Il ne sait pas quelle attitude adopter, il a quel rôle dans cette pièce sans queue ni tête? - Asseyez-vous, mettez-vous à votre aise, je vais vous servir un verre, j'ai un alcool russe fait maison, vous allez aimer Qu'est-ce qu'elle veut me faire absorber? pense Yago tout en s'asseyant sur le canapé rouge. Tsova est face à lui, elle sourit, lui tend un verre. La boisson sent bon, il en prend une gorgée, c'est bon. La sensation d'étrangeté qu'il a ressenti précédemment a disparu, il a même l'impression de la connaître depuis longtemps, ce n'est plus une étrangère. Elle prend place sur le fauteuil blanc, face à lui et boit son verre tranquillement. Il y a une atmosphère d'attente, Yago se décide à rompre ce silence " C'est mignon chez vous, et quelle vue : toute la ville à vos pieds. Vous habitez là depuis longtemps? - Non, pas très longtemps. Voulez-vous écouter de la musique? - Volontiers - Mozart? Brahms? - Comme vous voulez - Non, non, comme vous, vous voulez. Cela me donnera plus de précisions sur qui vous êtes - Mais que voulez-vous de moi exactement? - Exactement, je ne sais pas encore - Peut-être devrions nous remettre ce tête-à-tête à un autre moment, commencer par un dîner dans un restaurant, pour faire connaissance - Ce n'est pas en mangeant ce type de nourriture que je fais connaissance avec les hommes Yago sent de nouveau l'angoisse monter. "C'est une psychopathe cette femme, elle va me tuer, il faut que je me sauve d'ici". Mais son corps ne répond pas à cette injonction, au contraire il est de plus en plus détendu.

Round 13/60 écrit le mardi 24 mars 2015

262 mots | 1509 signes

Tsova se tient debout devant la cheminée au-dessus de laquelle est accrochée un grand miroir de style "Années folles" représentant une femme chevauchant un cygne, Leda et le cygne. "regardez derrière moi, dit-elle, regardez bien, que voyez vous?" Yago tout d'abord ne voit que cette femme sur un cygne puis quelque chose se brouille et il commence à voir la femme s'animer et le cygne tourner la tête vers lui. Puis vient se superposer l'image de Tsova, Tsova avec des ailes qui se déploient. C'est magnifique. Il sent l'émotion qui monte, les larmes montent. Il la voit maintenant derrière un rideau de larmes, un rideau d'eau. Elle commence à dénouer son foulard rouge, dévoilant une cicatrice à la base du cou dans laquelle un point blanc s'agrandit. Yago ne peut plus décrocher son regard de cet endroit. Il a un besoin viscéral de chanter, sa voix gonfle en lui et émerge sourdement. Le son est caverneux, il n'aime pas ce son, il cherche le ton. Tsova tend la main, la femme sur le cygne fait le même geste. Il ouvre la bouche plus grande, encore plus grande, le son prend forme, s'arrondit et il entend son propre souffle qui vibre dans l'espace de la pièce, un "A" grave et plein. Tsova sourit "Approche" entend -il dans sa tête et il approche un pas puis un autre. Ses os entrent en résonance avec un corps autre que le sien, il se laisse aller à l'expérience, il n'a plus de peur, il a l'impression d'entrer dans le miroir puis de passer de l'autre côté du miroir.

Round 14/60 écrit le mardi 24 mars 2015

180 mots | 1035 signes

une enfant est là, elle est figée derrière l'eau qui s'écoule comme une cascade ininterrompue qui surgit d'une arche de pierre très ancienne. Petit à petit les pierres apparaissent, c'est un mur de chaque côté de l'arche. Pas de porte. Un mur sans fin aux pierres taillées. L'image des églises romanes traverse l'esprit de Yago, pourtant il n'arrive pas à trouver de repères concrets dans ce qu'il voit. Lentement les choses deviennent plus nettes, il peut maintenant apercevoir une sorte de portail à gauche du mur d'eau. Il voudrait approcher mais il n'est que ses yeux, le reste de son corps n'est pas avec lui, comme dans un rêve. L'enfant le regarde. Comme ce regard est terriblement triste et en même temps froid. Alors qu'il veut tourner les yeux pour ne plus supporter la douleur de la voir, l'enfant lève le bras et tend la main. Est-ce un geste pour qu'il vienne ou pour la faire sortir de là? Il observe cette enfant : elle est très brune, ses yeux vairons attirent vers eux tout en laissant un malaise.

Round 15/60 écrit le mercredi 25 mars 2015

275 mots | 1513 signes

-Emmène moi, emmène moi, viens me chercher, emmène moi dans ton monde Yago voit le désespoir de l'enfant, il entend sa détresse, il a le coeur qui se serre. De là où il est il ne sait pas comment aller vers le rideau d'eau qui est comme suspendu. Il n'y a pas de limites aux murs qui cernent l'arche de pierre et en même temps tout le tableau est suspendu entre terre et ciel. - Tu peux venir, toi tu peux venir, moi je ne peux pas sortir seule L'enfant se tient droite, son corps mince semble s'allonger sous l'effet de l'illusion aquatique. Yago baisse les yeux pour regarder à ses pieds, il ne sait pas où il est, il n'y a pas de terre mais une étendue de mousse verte et spongieuse. il pense : "comment je peux être debout là-dessus et ne pas avoir les pieds mouillés?" C'est un instant de retour vers sa réalité, un moment de conscience que quelque chose ne va vraiment pas dans cette histoire; puis ses yeux reviennent vers l'arche et cette autre réalité se matérialise à nouveau devant lui. La porte à gauche lui revient en mémoire, comme si c'était le fait de poser les yeux sur un objet qui le rappelait à sa conscience. Il tâte avec la pointe du pied pour vérifier si c'est solide. Son pied se pose en douceur. L'enfant le fixe, il est attiré par les yeux, elle et lui sont aux deux extrémités d'un même fil. - C'est mon enfant, elle c'est moi, pense t'il, elle a en elle une partie de ma vie Il ne cherche plus à rationaliser, c'est trop tard, il a fait un pas

Round 16/60 écrit le jeudi 26 mars 2015

357 mots | 2036 signes

Subitement Yago est happé vers l'arrière, il fonce à toute allure dans un tunnel, il en a la nausée. A ses pieds le sol se transforme, il retrouve le parquet, la sensation de pesanteur de son corps. Les odeurs de la pièce reviennent dans ses narines : le niaouli, c'est ça, le niaouli. Il baisse la tête, regarde ses mains, ses jambes, c'est bien lui, maintenant. Un désir de retourner près du rideau d'eau lui tenaille le ventre. - Vous allez bien, demande Tsova - Je crois. Je ne sais pas ce qui est arrivé. Il y avait quelque chose derrière vous, dans le miroir, une enfant prisonnière... - Vous devez être sensible aux parfums de l'encens que je mets, il n'y a rien dans le miroir - Mais c'est vous qui m'avez dit de regarder derrière vous! - Non, pas du tout, je suis allée préparer une boisson dans la cuisine Yago se laisse tomber dans le canapé, il est vaseux et se demande ce qu'il a bu. - Je crois que je vais accepter votre invitation à se faire un petit restau tranquille tous les deux - Je vous ai invitée au restaurant? - Oui, il y a 20 minutes Yago est désorienté, il se demande s'il a perdu la notion du temps. Il se lève, encore un peu titubant, pour regarder le miroir au dessus de la cheminée. Il voit un miroir avec une très belle gravure style "Années folles", tout simplement. Il a du mal à retrouver les images qu'il y a vues. Il ne se pose plus de questions, maintenant il veut simplement rentrer chez lui, se prendre une bonne douche brûlante et se coucher. - Je vais rentrer, dit-il, je dois couver quelque chose, je ne me sens pas bien, j'ai des vertiges et une sorte de nausée - C'est vrai que vous êtes tout pâle. Voulez-vous que j'appelle un taxi? - Non merci, je vais rentrer en métro et puis marcher un peu, j'ai besoin d'air frais - Bien, alors on se revoit demain? - Demain? Je ne sais pas. Donnez moi votre numéro de téléphone ou votre mail, je vous recontacte. - Pas la peine, vous me trouverez au même endroit qu'aujourd'hui - Aujourd'hui?

Round 17/60 écrit le samedi 28 mars 2015

636 mots | 3901 signes

Titre : La proie Guillelme Description : Tsova suit Guillelme et le prend dans ses étranges filets Changement : Tsova se dit que ça va être facile, il l’air frileux avec son écharpe rouge et verte enroulée jusque sous son nez un homme tout en longueur, aux cheveux blonds, les blonds c’est fragile et émotifs, un côté féminin presque enfantin. Et puis il n’est plus tout jeune, le dos un peu voûté, une démarche presque lente. La tension : il n’est pas une proie facile, mais il la découvre plus qu’elle ne le croyait.

L’homme s’arrête devant le plan de métro et suit du doigt un trajet. Les sourcils froncés il penche la tête puis remonte son écharpe. Il a une petite cicatrice comme un fil blanc sur la tranche de la main. Il sort de sa poche un ticket de métro puis le remet dans sa poche et se détourne. Tsova sort de l’ombre d’où elle l’observait et s’approche de lui, regardant à son tour le plan.

  • Vous aussi vous cherchez ? lui dit-il
  • C’est vous que je cherche
  • Moi ? Il la regarde dans les yeux. Il y a une expression juvénile dans ce regard bleu ciel.
  • Je ne fréquente pas les prostituées, j’ai le cœur trop fragile pour ça !
  • Je ne suis pas une prostituée, je cherche simplement un homme de mon passé
  • Je ne fais partie que de votre présent. Je dois y aller maintenant.
  • Comment vous appelez-vous ?
  • Et vous ?
  • Tsova, je sais cela paraît bizarre, peut-être pourrions-nous marcher un peu ensemble
  • Non merci, je suis attendu, je file Il fait quelques pas mais Tsova le retient par la manche de son manteau.
  • Mais que voulez-vous ? Je vous ai dit non !
  • Je veux simplement vous dire quelques mots, vous connaître un peu
  • Je ne souhaite pas que vous me connaissiez
  • Savez-vous chanter ?
  • Hein ?
  • Avez-vous appris le chant, les voix des partitions d’opéra ?

L’homme pense qu’elle doit être une malade en sortie de l’hôpital psychiatrique, elle est peut-être dangereuse, il vaut mieux lui consacrer quelques minutes plutôt que de se retrouver lui-même aux urgences avec un coupe papier dans le cou. - Faisons un peu de marche, dit-il, cela me fera du bien et à vous aussi ! - Je n’ai pas besoin de marcher, j’ai besoin de vous entendre - Bien que voulez-vous que je vous raconte ? Une histoire ? Tsova sent la colère monter en elle, il veut jouer avec elle et ce n’est pas comme cela que les rencontres se passent. Elle le fixe de ses yeux vairons, qui prennent la couleur vert foncé de l’océan les jours d’orage. Pour qui est-ce qu’il se prend ce pauvre mâle fragile ? - Je veux simplement savoir si vous savez chanter - Je dois chanter maintenant ? - Répondez à ma question ! Tsova se crispe, prend la main et serre, elle veut qu’il sente sa force, sa détermination - Vous êtes une farouche, miss, dans ma langue maternelle cela se dit « Divi » - Vous n’êtes pas d’ici ? - Oui et non, ma mère était macédonienne mais je l’ai très peu connue

Trop tard, elle est entrée dans l’histoire de l’homme, elle ne doit pas le faire pour accéder à sa quête. Elle a pour ligne de ne jamais s’intéresser à celui qu’elle choisit. Maintenant elle change de tactique, il est là, il l’a vue et elle ne peut pas laisser la situation avancer dans sa direction à lui. - Comment vous appelez-vous, demande t’elle ? - Guillelme. Allons prendre un verre, juste là, au café en face - Je ne peux pas. Je vous propose plutôt une ballade. - D’accord et en chemin parlez-moi de vous, vous aimez l’opéra ? Nous sommes à côté, allons sous les arcades, il y aura moins de vent. Vous avez quelque chose de différent des autres femmes, quelque chose de secret, là au fond de vos yeux. Tsova le suit, maintenant elle sait qu’elle a enfreint une règle alors il devra cesser de vivre pour ne pas se souvenir.

Round 18/60 écrit le dimanche 29 mars 2015

280 mots | 1549 signes

Mais qu'est-ce que j'ai fait aujourd'hui? se demande Yago. Il va vers la porte d'entrée, se rend compte qu'il oublie son manteau, décidément il a mal à la tête, juste au-dessus des yeux comme une barre de fer. Il descend l'escalier, il a un début de vertige. Lentement il arrive à la porte de l'immeuble, il se souvient maintenant du taxi dans lequel il est venu ici. Dehors il fait frais, c'est un jour un peu sombre, les nuages gris couvrent le ciel, il a oublié son chapeau en partant de chez lui ce matin. Ce matin? Quel matin? Mais quel mal de tête! Il décide d'aller à pied jusque chez lui, même si c'est un peu long il vaut mieux qu'il prenne l'air et s'il se met à pleuvoir cela lui fera du bien. Il prend la montée du Chemin Neuf pour descendre vers la cathédrale Saint Jean, ça l'a toujours amusé de prendre une montée pour descendre. Le mal de tête diminue et il à l'impression de reprendre possession de son propre corps entièrement, il se sent heureux de redevenir lui-même, l'impression d'enfiler un vêtement qui est parfaitement ajusté ! Soudain un coup de klaxon le fait bondir, le chauffeur qui vient de piler pour l'éviter hurle dans sa voiture. Yago ne comprend pas les paroles mais voit qu'il marche au milieu de la rue et qu'il ne s'en pas rendu compte. "Mon gars, tu es dans ton corps mais ton corps n'a pas sa tête" pense t'il Il s'en amuse, d'ailleurs il est joyeux, il a envie de chanter au milieu de la rue, finalement il peut aussi marcher au milieu de la rue, les voitures vont l'éviter!

Round 19/60 écrit le mardi 31 mars 2015

273 mots | 1554 signes

Tsova a quatre ans. Elle est au milieu des oiseaux, elle suit le grand goéland qui vole puis plonge pour pêcher. A son tour elle ouvre encore plus grand ses ailes, mais elles sont encore fragiles, transparentes avec de petits filaments verts et bleus, comme ses yeux. Elle sent l'air qui la caresse, c'est doux et fort en même temps. En bas il y a l'océan, aujourd'hui il est calme, seulement quelques vagues et de l'écume légère, blanche et moussue. Tsova murmure le chant que sa mère fredonne lorsqu'elle part pour d'autres pays. Tsova ne se pose pas de questions, elle aime cet endroit où elle vit, elle est au milieu des oiseaux, des grands poissons ailés, personne ne lui dit comment faire mais elle le sait. Oh! là, il y a une autre femme ailée, jusqu'à présent elle n'a vu que sa mère. La femme émet un son que Tsova entend résonner dans tout son corps, c'est un chant mélodieux et triste, comme si elle appelait. Le son s'amplifie, devient chant. "Je veux apprendre ça" se dit Tsova. Elle descend tout doucement, planant en cercles jusqu'à toucher le rocher. Elle continue à écouter, la tête levée. Elle espère que la dame va la voir, elle ne peut pas se permettre de s'adresser à une plus grande qu'elle. Puis elle se lasse et commence à décoller les coquillages accrochés au rocher, ils palpitent, elle a faim alors elle avale cette petite chose qui vit dans la coquille, c'est bon mais elle a encore faim. Elle cherche du regard ce qu'il y aurait d'un peu plus gros, un crabe, voilà, elle va chercher un crabe.

Round 20/60 écrit le mercredi 1 avril 2015

182 mots | 1017 signes

Cherchant des yeux autour d'elle, elle aperçoit deux petites billes noirs perchées sur deux antennes rouges qui gigotent. Ah! un crabe rouge, il monte morceau de patte après morceau de patte sur le bord du rocher. Tsova rit de le voir si maladroit, elle attend qu'il soit encore un peu plus perché et hop! elle le tient, il essaie de pincer mais elle ne le craint pas, il y a longtemps qu'elle n'a plus peur des choses de l'océan. Le voilà qui se tortille, il est rugueux et ses pattes sont comme des brosses, ça gratte et ça commence à devenir désagréable. Ca suffit. Tsova le lève d'un geste rapide et l'abat sur le bord du rocher où la carapace se fracasse. Elle peut maintenant prendre un peu de chair tendre, c'est bon, c'est doux mais elle a encore faim. Elle descend doucement vers l'eau. Elle plie ses ailes, c'est une sensation de froissement, de frisson, elle les laisse se mettre doucement en place sous les omoplates, là où elle sent un petit point comme si quelqu'un posait son doigt là!

Round 21/60 écrit le vendredi 3 avril 2015

263 mots | 1494 signes

Elle glisse dans un petit remous, son petit corps se laisse aller comme les grandes algues qui montent du fond vers la surface, en ondulant dans le courant. Elle s'entraîne à rester immobile pour apprendre l'affût, comme le lui enseigne sa préceptrice Amalia. Elle le lui enseigne mais elle ne sait pas le faire, parce qu'elle est tellement agitée que tout s'enfuit à son approche. Tsova aime bien Amalia, c'est la seule personne avec laquelle elle soit en contact depuis qu'elle a vu l'eau dedans et le jour dehors. Amalia est toute raide, avec le menton qui avance, une chevelure mal coiffée, des yeux fatigués, mais tellement de coeur quand elle veut faire de son élève la meilleure. Tsova écoute les conseils et les consignes mais elle range tout ça dans un coin de sa tête! Elle, ce qu'elle aime c'est l'affût, la chasse, la pêche, aller se poser, debout, et devenir comme une grande algue, un grand ruban dansant doucement, à la fois posée au fond de l'eau et déployée à la surface de l'océan. Même si elle n'y arrive pas encore tout à fait, c'est ce qu'elle veut devenir. Aujourd'hui elle a faim et se met à l'affût d'un gros poisson, celui qui est bleu et jaune là-bas, il est tout plat et coloré, il va de rocher en rocher, elle attend, elle a le coeur qui palpite, elle ouvre ses ouïes sous le menton, elle le fait juste un peu trop précipitamment et cela provoque un léger courant. Le poisson se tourne brusquement et à grand coup de nageoire s'enfuit.

Round 22/60 écrit le samedi 4 avril 2015

192 mots | 1156 signes

Un mouvement sur sa gauche, c'est Amalia, l'air coincé et pourtant souriante qui la regarde s'exercer à devenir qui elle est. "Apprend à ouvrir tes ouïes une par une, comme ça" Tsova, attentive, vois les petits éventails translucides s'épanouir l'un après l'autre, sans que l'eau ne bouge. "Il faut t'exercer , rien ne vient tout seul. Rentrons, nous avons le chant à travailler jusqu'à ce soir" Toujours aussi affamée, Tsova se laisse aller dans le courant, tout près d'Amalia. Elles se dirigent vers la grande arche de pierre sous laquelle elles s'arrêtent une seconde, c'est le temps du "signe du respect", c'est ce que disent toutes les aînées. De l'autre côté c'est le sable brun, un peu rêche, puis les petites pierres rouges foncées et ensuite les grandes pierres avec leurs milliers de petits trous. Amalia lui en appris le nom mais elle l'a oublié, pour elle il est de cette île, son île. "Tsova tu rêves, concentre toi un peu et avance plus vite" Tsova passe devant, elle connaît le chemin, elle pense à ce moment-là que jamais elle ne quittera cet endroit, c'est son nid à elle, elle ne veut rien de plus.

Round 23/60 écrit le dimanche 5 avril 2015

316 mots | 1772 signes

Tsova a onze ans. Amalia est toujours là, toujours pour dire comment être la meilleure, la plus belle, la plus quelque chose. Tsova ne s'intéresse pas à ça, elle a entendu ce matin une autre voix. Elle sait qu'elle connaît cette voix mais elle ne sait plus pourquoi. Et il y a quelqu'un d'autre encore qui émet des sons à travers quelque chose comme un filtre. "Non, dis la voix, il n'en est pas question, ici c'est notre territoire, là bas c'est le tien, je ne veux pas de toi ici et certainement pas que tu vois Tsova, certainement pas! - Ici c'est aussi mon territoire et mon demi monde, sans moi elle ne serait pas là, et aujourd'hui il est dangereux pour elle de rester ici, un jour ils vont la prendre dans leurs pièges et elle en mourra - Elle ne sort pas de territoire, elle a une préceptrice qui y veille, ce n'est pas à moi de l'élever - et bien moi je peux l'aider à la métamorphose et lui permettre de vivre auprès de moi. - C'est hors de question, pars" Tsova entend un bruit étouffé, comme un souffle qui s'étire puis Amalia entre " Viens, je vais t'expliquer la constitution de ton territoire - Ca ne m'intéresse pas, qui parlait là dehors? - Tsova tu ne dois pas poser de question, je suis ici pour t'apprendre l'excellence et crois-moi, je sais que j'ai raison quand je dis que les questions vont plus te nuire que t'aider dans cette direction. Et si tu ne le fais pas de ton plein gré, je vais t'aider à apprendre la discipline et ce que signifie le contrôle de soi pour toujours progresser. - A partir de maintenant je vais en poser, je connais la voix, je veux savoir qui c'est Au même moment, comme venant du haut de l'arche la voix filtrée émet une note, unique, qui grandit et se déroule le long des piliers.

Round 24/60 écrit le lundi 6 avril 2015

242 mots | 1391 signes

"Attention!" crie une voix . Yago sursaute et la voiture qui arrive face à lui l'évite de justesse, le frôle, freine. Yago tombe sur le trottoir, sa tête et son épaule heurtent le bord en béton, il voit des lumières jaunes, du noir, du rouge, un rideau d'eau. Des pieds s'agitent autour de lui, des cris, des klaxons, un chien qui aboie et les cloches de St Jean qui sonnent. Il est à côté de son corps, il n'a même pas mal et comprend seulement à ce moment-là que quelque chose ne va pas dans cette histoire. Il entend l'ambulance, un infirmier et une infirmière le manipulent avec douceur et fermeté, il pense à l'arrivée au monde du nouveau né, il voit un morceau de blanc, un morceau de jaune, une robe en écailles. Il entend les personnes parler et prévenir de leur arrivée à l'hôpital St Joseph. Maintenant il sent l'odeur de la médecine d'urgence, ça il connaît, il se rappelle que c'est son métier, il croit bien qu'il est quelque chose comme chirurgien. L'ambulance arrive à l'hôpital, la prise en charge est rapide, Yago trouve tout le monde efficace et puis il y a maintenant une jeune femme qui lui parle, tiens, elle a l'odeur du niaouli, il faudra qu'il cherche ce que c'est le niaouli. "Monsieur, monsieur, gardez les yeux ouverts, écoutez ma voix" Il veut bien écouter une voix, oui, une voix d'opéra, une voix derrière le rideau d'eau

Round 25/60 écrit le mardi 7 avril 2015

336 mots | 1913 signes

Vous ne savez donc pas que vous êtes de pauvres êtres mortels? Mais pour qui vous prenez-vous hommes de rien? Jamais aucun de vous ne pourra être à la hauteur de qui je suis. Je ne suis pas de votre espèce, je suis sans entraves, sans chaînes, je suis d'au-delà de vos rêves. Tsoca est en colère. Aucun, absolument aucun d'entre eux n'est digne d'être le sien, jamais! Comment accepter la semence de ces êtres fragiles, engoncés dans leurs histoires d'enfance et leur morale mièvre? Jamais! Je ne veux pas de vos mots, de vos regards qui essaient de me capter, je ne suis pas celle qui vous a manqué, je ne veux pas de vos mains ni vos corps si laids! Et en plus vous croyez que c'est faire un honneur aux êtres femmes que de les regarder ainsi. Partez, partez de mon miroir! Vous ne pouvez pas me retenir, aucun d'entre vous. Je cherche celui qui a ma voix, celui qui est caché dans l'un de vous, mais vous, vous ne m'intéressez absolument pas, j'ai envie de vous blesser à mort, de reprendre en vous toutes les douleurs faites aux êtres femmes. Tsova fais des allers-retours dans la pièce, elle ne sait pas comment faire retomber cette énergie qui commence à déborder, elle voudrait la retenir mais elle en a la nausée, elle ne veut pas faire mourir cette partie d'elle qui est comme eux et pourtant c'est ce qu'elle va faire, elle le sent. Elle inspire profondément mais l'air d'ici n'est pas assez puissant, pas assez d'oxygène dans cet air , elle lutte pour rester Tsova uniquement Tsova, mais elle voit bien que doucement une ouïe s'ouvre, elle ne peut pas ici laisser surgir Tsovahars Yerkel, pas ici. Elle se sent en danger et continue à s'agiter. Divi vient vers elle, une lueur d'inquiétude dans ses petits yeux tout ronds, elle gratte doucement le bord de la chaussure de Tsova, elle fait un bond en arrière comme poussée brutalement par quelque chose d'invisible

Round 26/60 écrit le jeudi 9 avril 2015

193 mots | 1073 signes

Tsova allongée sur le sol froid émerge doucement d'un brouillard empâté. Elle bouge un doigt qui semble se déplier comme une marionnette. Ses yeux sont douloureux, gonflés, ça brûle à l'intérieur. Elle a l'impression de ne plus avoir de gorge, elle porte la main à son cou, la main contacte le froid à un endroit et le brûlant à un autre, mais la peau du cou est insensible. Elle tourne la tête, petit vertige, elle a un frisson de peur. Elle ne reconnaît pas l'endroit et elle n'est pas sur le sol, elle est sur un long banc métallique tellement étroit que si elle se penche un peu elle va tomber. Ses doigts se délient petit à petit, maintenant elle peut bouger les deux mains et reconnaître sous ses paumes la texture du métal. Elle est seule dans cette petite pièce. Il y a très peu de lumière, le jour passe à peine à travers la crasse de la fenêtre de toit, aucun bruit, aucun son, un endroit de mort. La douleur s'insinue de son sternum vers sa gorge, c'est comme un fil électrique dénudé collé sous la peau qui envoie du courant.

Round 27/60 écrit le vendredi 10 avril 2015

262 mots | 1457 signes

Elle a mal maintenant, elle a l'impression d'avoir été amputée d'un morceau d'elle-même mais ne trouve pas d'où vient cette impression. Doucement elle lève un bras puis l'autre, une image est projetée de son cerveau vers l'écran de ses yeux : une grande femme penchée sur elle l'entoure de ses ailes, quelque chose vibre autour de son corps, puis tout devient noir. Tsova s'assied sur la table froide, ses jambes sont si faibles, dans la bouche un goût de cendres et de métal, une odeur intérieure de métal. Petit à petit elle prend conscience de ce qu'il y a autour d'elle : les murs de pierre suintent à travers la mousse, la porte est face à elle, entrouverte, aucun son ne parvient à ses oreilles. "je suis sous terre" pense t'elle Elle a soif, elle a besoin d'eau dans et sur son corps. Elle passe les jambes sur le bord de la table, assise là les forces reviennent. Mais elle sent une tension dans le dos, elle ne peut pas plier son dos, elle est raide. Tsova pose un pied sur le sol, c'est doux et humide, cela fait du bien. Quelque chose démange au fond de la gorge, elle essaie de tousser mais la douleur fulgurante lui coupe la respiration, tentant d'ouvrir une ouïe pour capter l'oxygène elle est prise de panique : sa gorge est fermée. Elle veut émettre un son pour entendre sa propre voix : elle est muette. Elle tombe à genoux sur le sol, pliée sous la douleur et l'angoisse de ne plus parler, de ne plus chanter.

Round 28/60 écrit le mardi 21 avril 2015

247 mots | 1533 signes

scène dernier tiers Christophe regarde en silence l'homme qui passe de phases euphoriques et agitées à des phases de prostrations, parfois hurlant, parfois riant, cet homme a un regard vide, non, pas seulement vide, un regard de la profondeur d'un puits de désespoir et d'horreur. "Où l'avez-vous trouvé celui-ci?" demande t'il à l'infirmier psychiatrique "Il déambulait nu dans un couloir de métro en disant chercher l'arche avec le rideau d'eau, un peu comme le premier, mais celui-ci c'est le cinquième" Christophe met les mains dans ses poches, ses doigts effleurent le petit cailloux tout lisse qui s'y trouve. Inspecteur de police depuis quelques années il n'a encore jamais eu ce genre de cas, d'ailleurs le premier homme retrouvé dans un état tel qu'on l'a cru mort ne semblait pas victime de qui que ce soit. On avait pensé à un sans domicile, épuisé par la rue et vidé de son énergie qui s'était affaissé là pour y vivre ses dernières heures. Il a fallu qu'un deuxième homme soit trouvé errant et balbutiant des mots similaires pour que la police soit alertée. Mais rien ne montre que ces hommes ont d'autre lien que cette expression désespérée, anéantie, ce manque d'énergie comme une anémie massive. La pensée qui est venue à Christophe lors du premier cas avait pensé "vampirisé" tellement l'homme était pâle et amaigri. Aujourd'hui il ne sait pas vers où diriger son enquête, ces hommes ne portent aucune trace de blessures ou de coups, on connaît l'identité du premier

Round 29/60 écrit le mercredi 22 avril 2015

224 mots | 1333 signes

L'homme a été identifié grâce à une petite cicatrice sur le côté de la main. Il s'appelle Guillelme Cerdouc, un homme certainement déjà mince avant son aventure, il avait un air doux mais étant donné son état ce n'était guère possible de savoir comment il était dans la vie. Sa grave anémie a provoqué une chute de cheveux à l'arrière de la tête cela lui donne un côté enfantin. C'est son colocataire qui l'a reconnu quand il a vu la photo dans le journal. Pas claire non plus l'histoire du colocataire, quel lien ont-ils? Difficile de savoir. Guillelme Cerdouc est , enfin était, un passionné d'entomologie, on a trouvé un local à son nom contenant de nombreuses collections d'insectes. Christophe Rabot n'a pas trop apprécié les cafards épinglés sur des coussins de velours, d'énormes cafards de Madagascar, des araignées à faire des cauchemars, avec des dizaines d'yeux et des poils énormes. Son collègue Julien Perdis lui a expliqué que les araignées ne sont pas des insectes, mais lui il n'en a rien à faire, tout ce qu'il voudrait bien savoir et le lien qu'il y a entre Guillelme Cerdouc et son colocataire et le lien avec les autres hommes retrouvés dans un état similaire. Le colocataire est norvégien, taciturne, il porte sur lui la tristesse des longues nuits d'hiver de son pays.

Round 30/60 écrit le jeudi 23 avril 2015

222 mots | 1363 signes

Même un peu bizarre ce colocataire, il est sur un nuage, il a le regard brumeux, à se demander ce qu'il a fumé...Il évoque Guillelme Cerdouc comme s'il parlait d'une sorte d'être possédé, une histoire à dormir debout de sirène qui absorbe l'énergie des hommes. Complètement farfelue cette légende, il devrait s'appeler Ulysse...A force de se pencher sur les bestioles de l'autre il a du attraper un truc au cerveau! D'ailleurs, est-ce qu'il connaît la raison de cette collection d'insectes? "votre colocataire est passionné d'entomologie, est-ce que vous savez depuis combien de temps? - je pense depuis longtemps, répond le colocataire, quand il est arrivé il a voulu mettre ses boîtes à la maison, mais j'ai refusé catégoriquement, on ne sait jamais si ces bestioles ne vont pas se réveiller. - oui, oui, bien sûr, des cafards avec une épingle à travers le corps vont se réveiller, ben voyons! - Savez-vous que les elfes et les fées existent? - d'accord, j'en ai vu aussi quand j'avais 17 ans et je testais le cannabis - ma mère est islandaise et eux respectent ces êtres, ils ont même détourné un tracé d'autoroute pour ne pas gêner le lieu de repos des elfes - Est-ce que vous êtes suivi par un médecin? - Suivi, non, mais j'ai un médecin généraliste, comme tout le monde et c'est le même que celui de Guillelme

Round 31/60 écrit le vendredi 24 avril 2015

305 mots | 1788 signes

  • et vous avez quelles relations avec votre colocataire?
  • il est discret mais sympathique, il semble aimer la compagnie de curieuses personnes par moments
  • c'est quoi une "curieuse personne"?
  • des types et des filles différents de lui, comme si ces gens le rassuraient, comme si lui avait peur de ne pas paraître normal en dehors de chez lui, alors il s'entoure de ces personnes affublées de sarouals multicolores, de turbans sur la tête, de foulards enroulés autour du cou en plein été, par contre chaussés de sandales toute l'année, des bizarres quoi!
  • genre baba cool?
  • un peu, mais en plus ils chantent je ne sais pas trop quoi, des chants hindous ou bouddhistes et ils dansent en même temps, je ne me mêle pas de ça, sauf quand ça commence à faire trop de bruit pour les voisins, parfois je les surprends en train de danser en tournant sur eux-mêmes comme les derviches tourneurs.
  • vous savez comment il est entré en contact avec ces personnes?
  • je ne sais pas trop, je sais simplement qu'un jour en naviguant sur internet il a dit "ah je crois que j'ai trouvé ce que je cherche"
  • est-ce que vous pensez que ces personnes ont une influence sur lui qui aurait pu le conduire à l'état dans lequel il est?
  • je ne pense rien à ce sujet. Il avait plutôt l'air d'aller mieux depuis qu'il les connaissait, il était plus détendu, plus souriant, il ne marchait plus en regardant par terre, j'avais l'impression qu'il était plus vivant, alors quand je l'ai vu à l'hôpital j'ai carrément eu un choc, on aurait dit qu'il était mort à l'intérieur, oui, c'est ça, mort à l'intérieur. Christophe Rabot pense exactement la même chose : mort à l'intérieur, un corps encore en vie mais sans substance de ce quelque chose qui brille dans les yeux.

Round 32/60 écrit le samedi 25 avril 2015

285 mots | 1686 signes

  • Comment vous appelez-vous?
  • Brajmar Olsen répond le colocataire, j'ai un prénom islandais et un nom de famille norvégien.
  • Je vais faire un petit tour de l'appartement pour me faire une idée sur votre copain
  • Surtout ne dérangez rien.
  • Je ne fais que regarder Christophe Rabot quitte le salon et se dirige vers la chambre de Guillelme, il n'y voit rien de particulier au premier abord. C'est une pièce très quelconque, la seule chose intéressante c'est l'ordinateur sur le bureau, mais il ne peut pas l'emporter aujourd'hui. Quittant la chambre, il va vers la cuisine, elle est propre et rangée, rien non plus de remarquable ici. Il revient vers le salon où Brajmar Olsen est toujours assis sur une chaise.
  • Quelle est votre profession ?
  • Je suis ébéniste d'art, je rénove des objets et meubles pour les monuments historiques
  • et quelle est la profession de monsieur Cerdouc?
  • il est plombier
  • plombier?
  • oui, plombier. Il travaille pour la ville, il est fonctionnaire, cela lui laisse beaucoup de temps libre pour s'occuper de son passe-temps et de ses collections, ce que vous avez vu au local
  • et ça lui prend beaucoup de temps?
  • beaucoup, oui. Et ce qui reste, il le passe à la bibliothèque ou sur internet toujours sur le même sujet. Il parle peu mais il ne faut pas le lancer sur le sujet des insectes parce qu'il peut parler toute la nuit, ça, ça a fait fuir ses copains! Je crois qu'il a même donné des conférences sur le sujet, du côté de l'Opéra, mais je ne sais plus où, il y a peut-être un document dans ces affaire.
  • si vous acceptiez de le chercher pour nous, vous seriez vraiment une aide pour nous et pour lui!