Titre : La proie Guillelme
Description : Tsova suit Guillelme et le prend dans ses étranges filets
Changement : Tsova se dit que ça va être facile, il l’air frileux avec son écharpe rouge et verte enroulée jusque sous son nez un homme tout en longueur, aux cheveux blonds, les blonds c’est fragile et émotifs, un côté féminin presque enfantin. Et puis il n’est plus tout jeune, le dos un peu voûté, une démarche presque lente.
La tension : il n’est pas une proie facile, mais il la découvre plus qu’elle ne le croyait.
L’homme s’arrête devant le plan de métro et suit du doigt un trajet. Les sourcils froncés il penche la tête puis remonte son écharpe. Il a une petite cicatrice comme un fil blanc sur la tranche de la main. Il sort de sa poche un ticket de métro puis le remet dans sa poche et se détourne.
Tsova sort de l’ombre d’où elle l’observait et s’approche de lui, regardant à son tour le plan.
- Vous aussi vous cherchez ? lui dit-il
- C’est vous que je cherche
- Moi ?
Il la regarde dans les yeux. Il y a une expression juvénile dans ce regard bleu ciel.
- Je ne fréquente pas les prostituées, j’ai le cœur trop fragile pour ça !
- Je ne suis pas une prostituée, je cherche simplement un homme de mon passé
- Je ne fais partie que de votre présent. Je dois y aller maintenant.
- Comment vous appelez-vous ?
- Et vous ?
- Tsova, je sais cela paraît bizarre, peut-être pourrions-nous marcher un peu ensemble
- Non merci, je suis attendu, je file
Il fait quelques pas mais Tsova le retient par la manche de son manteau.
- Mais que voulez-vous ? Je vous ai dit non !
- Je veux simplement vous dire quelques mots, vous connaître un peu
- Je ne souhaite pas que vous me connaissiez
- Savez-vous chanter ?
- Hein ?
- Avez-vous appris le chant, les voix des partitions d’opéra ?
L’homme pense qu’elle doit être une malade en sortie de l’hôpital psychiatrique, elle est peut-être dangereuse, il vaut mieux lui consacrer quelques minutes plutôt que de se retrouver lui-même aux urgences avec un coupe papier dans le cou.
- Faisons un peu de marche, dit-il, cela me fera du bien et à vous aussi !
- Je n’ai pas besoin de marcher, j’ai besoin de vous entendre
- Bien que voulez-vous que je vous raconte ? Une histoire ?
Tsova sent la colère monter en elle, il veut jouer avec elle et ce n’est pas comme cela que les rencontres se passent. Elle le fixe de ses yeux vairons, qui prennent la couleur vert foncé de l’océan les jours d’orage. Pour qui est-ce qu’il se prend ce pauvre mâle fragile ?
- Je veux simplement savoir si vous savez chanter
- Je dois chanter maintenant ?
- Répondez à ma question !
Tsova se crispe, prend la main et serre, elle veut qu’il sente sa force, sa détermination
- Vous êtes une farouche, miss, dans ma langue maternelle cela se dit « Divi »
- Vous n’êtes pas d’ici ?
- Oui et non, ma mère était macédonienne mais je l’ai très peu connue
Trop tard, elle est entrée dans l’histoire de l’homme, elle ne doit pas le faire pour accéder à sa quête. Elle a pour ligne de ne jamais s’intéresser à celui qu’elle choisit. Maintenant elle change de tactique, il est là, il l’a vue et elle ne peut pas laisser la situation avancer dans sa direction à lui.
- Comment vous appelez-vous, demande t’elle ?
- Guillelme. Allons prendre un verre, juste là, au café en face
- Je ne peux pas. Je vous propose plutôt une ballade.
- D’accord et en chemin parlez-moi de vous, vous aimez l’opéra ? Nous sommes à côté, allons sous les arcades, il y aura moins de vent. Vous avez quelque chose de différent des autres femmes, quelque chose de secret, là au fond de vos yeux.
Tsova le suit, maintenant elle sait qu’elle a enfreint une règle alors il devra cesser de vivre pour ne pas se souvenir.