Ma première campagne DraftQuest par caron

Campagne commencée le mardi 10 mars 2015

Rounds Mots Signes Temps
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Round 1/30 écrit le mardi 10 mars 2015

408 mots | 2438 signes

Fuite majeure

  • Vous êtes la directrice de la com ! Alors faites quelque chose ! Si je n’avais pas eu la faiblesse un jour, parce que je l’avais cru reconnaissant, de lui tailler une pipe, je serais plus à l’aise maintenant pour l’envoyer se faire foutre. Je martelais :
  • Je ne peux pas empêcher les médias de nous harceler, mais je les tiens en laisse. La crise les excitent, ils ont le goût du sang, laissons-les se faire les dents ! Nous ne sommes pas la seule grande banque sur le marché parisien et pour l’instant nous avons encore le cul blanc !
  • Faites qu’il le reste ! Il claqua la porte de verre en sortant. Ce vieux con marquait son territoire comme une bête malade. Cette fille se croit maligne. C’est moi qui l’ai mise à ce poste putain, elle croit quoi ? J’aurais dû la baiser. Maintenant, elle me snobe. Pétasse ! A la moindre connerie elle gicle. Et j’ai Godberg sur le dos. Cette semaine commence merdique.

Mon job ? Nettoyer la merde que les dirigeants de cette banque privée à l’honorable nom composé, laissent derrière eux, de petites crottes distinguées au fumier en montagne que j’enrubanne de papier doré en faisant croire à la parfaite maîtrise de ses débordements. J’ouvris mon frigo et me servis un verre. Aucun de mes collaborateurs ne me dérangerait dans la demi-heure à venir. Ils me savaient gré de montrer les crocs dans ces circonstances. Je protégeais leurs petits derrières. Mêmes les jeunes louves attendraient la pause clope de cet après-midi pour me griffer l’échine. J’avais envie d’un cigare, très envie. - Rosie, je sors une demi-heure. Prenez les appels. Je laisse mon portable. Non, non, je serais à la réunion de 13 heures, je n’ai pas de déjeuner Je m’étudie dans la glace de l’ascenseur, impossible de voir si les vers ont déjà entamé un travail de galeriste sous la peau avec leur acharnement joyeux. Je suis la seule à les deviner. Certains jours plus que d’autres. Hi ho Hi ho Nous allons au boulot Hi ho Hi ho… Je devrais peut-être me faire le nouveau du contrôle de gestion. Un peu sévère, mais il a quelque chose... Comment mon psy dit déjà ? Déplacer ses angoisses vers des centres d’intérêt nouveau avec potentiel de développement emphatique… Son odeur m’excite. Il y a longtemps que je n’ai pas réagi à de cette manière à la proximité d’un corps de garçon.

Round 2/30 écrit le mardi 10 mars 2015

721 mots | 4382 signes

(Pour les lecteurs éventuels le système ne prend pas les italiques qui correspondent dans mon texte aux pensées des personnages, aussi considérez que ce qui est entre parenthèse est en italique)

Je préfère ne plus penser au dernier, lamentable. Un caleçon à pois intimidé. J’ai cru qu’il le faisait pour la première fois. Il a marmonné que je l’impressionnais. Nue, assise en tailleur sur ma couette, j’ai failli renoncer. Dois-je commencer à les payer ? Je sais que Margaret à la direction financière le fait. Merde ! Elle avoue dix ans de plus que moi ! Je marche à grand pas dans la rue, je ne sais pas marcher autrement, salue le vigile de Publicis et descend à la cave aux cigares. Le responsable me reconnaît et me laisse choisir, il m’ouvre le salon qu’ils réservent à une clientèle privée. Cuir et bois, odeur de cèdre brûlé, fauteuils profonds, je pourrais être dans un club à Baker street. Je me détends enfin, accepte qu’il coupe l’extrémité de mon cigare avant de me laisser solitaire. A cette heure de la matinée, je suis la seule extravagante à exercer mon vice. Un Cohiba. Exquisitos. Pas trop gros. Un cigare du matin, charnu, fort au goût prononcé, mais subtil, qui s’étale à l’arrière du palais. Il me laissera un début de migraine. Une sorte de flou où mes pensées égarées s’apaiseront. J’aime voir la fumée s’échapper, former un brouillard normand juste devant mes yeux et imaginer les bateaux à l’amarre qui se cachent derrière. Cette envie de partir échoïque m’élance comme une corne de brume. Je me devine ailleurs sous d’autres cieux. Comme maintenant, en plus heureuse. Lorsque j’ai fini, j’attends encore. Je goûte longuement la saveur qui nappe toute ma bouche et qui perdurera jusqu’au déjeuner. Je me décide à quitter cette matrice et je retrouve l’avenue des Champs Elysées pour rejoindre le troisième étage de la banque où j’officie. Rosie me prévient que les troupes s’agitent. J’organise un briefing rapide. Les tenir toujours, leur donner une ligne de conduite, des certitudes, toutes choses qui n’existent pas et que je fabrique pour leur confort et par extension pour le mien. Je suis terrifiée comme toujours. Rosie me regarde et m’apaise d’un seul coup d’œil. Je l’adore. Cette black, trop grosse et trop colorée pour les canons non écrits mais sévères du code de l’embauche appliqués à l’entreprise, s’est vu imposée il y a une dizaine d’années par un syndicaliste furieux, décédé depuis. Dès que je l’ai vu, je l’ai voulu comme assistante. Elle est mon Prozac, mon réglisse régressif, mes ténèbres apprivoisées. Je passe ma main dans son dos et j’ai le cœur qui bat régulier. J’aime qu’elle me laisse la toucher. Je sais qu’elle me trouve pathétique, mais je suis sa BA. Je lui fous la paix, je la paye bien. Notre gentleman agreement nous convient. Aujourd’hui elle a rassemblé ses cheveux en un chignon compliqué et s’est habillée trop chaudement. Sa robe de cachemire ne lui permet pas d’enlever une épaisseur. La sueur perle au-dessus de sa lèvre, ourlée comme dans le rêve de toutes les cinquantenaires qui vont se faire des injections d’acide hyaluronique. Je respire à fond son parfum gingembre et sucre fondu et je la quitte à regret. Je n’ai jamais osé lui demander si elle voudrait dormir avec moi. L’idée qu’un jour se soit possible me donne envie de venir le matin. Mon staff. Ils se sont assis en demi cercle dans la salle de réunion et me regardent attentifs. Je suis calme, posée. Je suis dans l’exact état d’esprit du dompteur de fauves en cage avec ses animaux. Philippe a posé une fesse sur le bureau et bat la mesure de son inquiétude avec sa jambe gauche. Les manches de sa chemise sont relevées, il a tombé la veste et essaye de deviner à mon expression si la situation s’est aggravée. Audrey a les mains sur un bloc posé sur ses genoux, pas un cheveu ne dépasse de son chignon, elle donne toujours l’image parfaite d’une poupée de luxe sortie tout récemment de sa boîte. J’aimerais avoir la clé pour faire s’animer ses yeux de porcelaine. Je sais Eric fatigué, il a le regard triste. Il ne fait pas ses cinquante ans, mais sa lutte acharnée pour ce faire est d’une visibilité déprimante.

Round 3/30 écrit le mercredi 11 mars 2015

894 mots | 5211 signes

Mon staff. Ils se sont assis en demi cercle dans la salle de réunion et me regardent attentifs. Je suis calme, posée. Je suis dans l’exact état d’esprit du dompteur de fauves en cage avec ses animaux. Philippe a posé une fesse sur le bureau et bat la mesure de son inquiétude avec sa jambe gauche. Les manches de sa chemise sont relevées, il a tombé la veste et essaye de deviner à mon expression si la situation s’est aggravée. Audrey a les mains sur un bloc posé sur ses genoux, pas un cheveu ne dépasse de son chignon, elle donne toujours l’image parfaite d’une poupée de luxe sortie tout récemment de sa boîte. J’aimerais avoir la clé pour faire s’animer ses yeux de porcelaine. Je sais Eric fatigué, il a le regard triste. Il ne fait pas ses cinquante ans, mais sa lutte acharnée pour ce faire est d’une visibilité déprimante. - J’ai convaincu Messner que nous maîtrisions notre com, nous sommes d’accord Philippe ? - Absolument. Personne ne prendra le risque de nous mettre en cause frontalement avec le peu dont ils disposent. (Q’est-ce que j’en sais ? Mais il me suffit de le dire clair et net et elle me croit ou elle fait semblant Je n’arrive pas à savoir ce qu’elle pense vraiment Elle paraît franche mais…Elle ne nous aime pas Boulot ! Boulot ! J’ai de plus en plus de mal à tenir Décemment, je ne peux pas venir plus défoncé que je ne le suis déjà Je ne maîtrise plus mes ricanements Nom de Dieu, ils me font gerber tous… et patati et patata… Ils y croient ? Et regardez Audrey, pas un cil ne bouge Qui se douterait qu’au lit c’est une bombe, Chloé ne me mentirait pas Elle n’a pas besoin de se vanter Ses conquêtes font la queue sur son pallier Un Jude Law au féminin Elle a eu des filles dont j’aurais bien voulu les restes ! Faut que j’appelle Maman cette semaine Merde, j’aurais pu le faire ce week-end Qu’est-ce que j’ai fait ce week-end ? Putain aucun souvenir ! L’angoisse)

  • Bien ! Audrey et Eric, Je veux que vous alliez à la pêche dans tous les services jusque dans nos agences de province… Je veux connaître la moindre rumeur, la plus minime des interrogations exprimées, le plus anodin des bruits qui courent, faites marcher vos réseaux et répondez à chaque… C’est important. L’idée dominante : nous n’avons rien à craindre ; nous n’avons pas d’actifs toxiques ; notre banque est solide ; c’est terrible pour les autres, mais nous sommes peu concernés, etc… Ce credo doit se diffuser dans tous les recoins de la maison… Faites fonctionner vos relais. Je débloque des fonds pour les syndicats. Activez la machine comme jamais. Audrey prend des notes sous le nerf de ma voix, Eric devient fébrile, prêt à foncer pour répondre à l’urgence de mes propos… (Et voilà je vais devoir me taper le Eric toute la journée. Son air de cocker me déprime chronique. Elle le voit pas qu’il est out ! J’en peux plus de me le traîner Il essaye même pas de me sauter Et pourquoi on fait équipe ensemble ? Merde ! D’accord Philippe se serait pas mieux il me mettrait la main aux fesses Chercherait à me prouver la supériorité d’avoir une queue Mais il est inoffensif Juste stupide et certainement blindé à mort Eric le boulet Cadeau de ma supérieure La suceuse glaciale et snob qui nous tient sous sa coupe Il n’y en a plus pour longtemps Sa date de péremption approche Noir sur blanc dans mon contrat d’ici deux ans elle gicle et je constitue mon équipe Tenir Serrer les dents)

(Ils me détestent tous Je le vois bien Je suis trop vieux pour eux Innocents Ils me croient incompétent Ils n’ont rien vu venir de la crise arrivée Je le savais moi Et ce n’est que le début Ils parlent déjà de reprise Innocents J’ai vécu celle de 2008 Elle n’était qu’une répétition de cette générale Celle-ci nous nous en remettrons pas Rien n’y fera Nous sommes foutus Tous Pas seulement nous les financiers Le chômage à cinquante ans Je l’ai toujours envisagé Il faut que je réfléchisse à ce que je veux faire Bientôt Laisse tomber les costumes étriqués Respirer large je suis fatigué de sentir les quenottes d’Audrey sur ma nuque De supporter les regards suspicieux d’Olivia Elle semble si sûre d’elle Cette femme me fait pitié Je vais pouvoir tout envoyer chier Je le sens Enfin une bonne nouvelle Cinquante ans J’en suis à la moitié Mes rêves sont à venir Je les connais Eux ils ignorent qu’ils en ont J’ai de l’avance Il était temps que cette crise arrive Je suis heureux) - Nous sommes d’accord ? Ils acquiescèrent et s’en furent. Mon équipe rapprochée n’était pas la plus mauvaise, mais celle avec les dents les plus longues. J’avais été nommée il y a trois ans à ce poste à la place d’Eric, disqualifié par son âge. Lorsque Audrey déploierait son attaque, je quitterais cette entreprise. Il me restait deux ans. Je m’étirais comme mon prof de yoga me l’avait enseigné pour m’oxygéner. Je regagnais mon bureau, me servis un verre, examinais la pile de dossiers et commençais la rédaction des notes que Rosie transformerait en courrier intelligible.

Round 4/30 écrit le jeudi 12 mars 2015

1845 mots | 11464 signes

Audrey prend des notes sous le nerf de ma voix, Eric devient fébrile, prêt à foncer pour répondre à l’urgence de mes propos… (Et voilà je vais devoir me taper le Eric toute la journée. Son air de cocker me déprime chronique. Elle le voit pas qu’il est out ! J’en peux plus de me le traîner Il essaye même pas de me sauter Et pourquoi on fait équipe ensemble ? Merde ! D’accord Philippe se serait pas mieux il me mettrait la main aux fesses Chercherait à me prouver la supériorité d’avoir une queue Mais il est inoffensif Juste stupide et certainement blindé à mort Eric le boulet Cadeau de ma supérieure La suceuse glaciale et snob qui nous tient sous sa coupe Il n’y en a plus pour longtemps Sa date de péremption approche Noir sur blanc dans mon contrat d’ici deux ans elle gicle et je constitue mon équipe Tenir Serrer les dents)

(Ils me détestent tous Je le vois bien Je suis trop vieux pour eux Innocents Ils me croient incompétent Ils n’ont rien vu venir de la crise arrivée Je le savais moi Et ce n’est que le début Ils parlent déjà de reprise Innocents J’ai vécu celle de 2008 Elle n’était qu’une répétition de cette générale Celle-ci nous nous en remettrons pas Rien n’y fera Nous sommes foutus Tous Pas seulement nous les financiers Le chômage à cinquante ans Je l’ai toujours envisagé Il faut que je réfléchisse à ce que je veux faire Bientôt Laisse tomber les costumes étriqués Respirer large je suis fatigué de sentir les quenottes d’Audrey sur ma nuque De supporter les regards suspicieux d’Olivia Elle semble si sûre d’elle Cette femme me fait pitié Je vais pouvoir tout envoyer chier Je le sens Enfin une bonne nouvelle Cinquante ans J’en suis à la moitié Mes rêves sont à venir Je les connais Eux ils ignorent qu’ils en ont J’ai de l’avance Il était temps que cette crise arrive Je suis heureux) - Nous sommes d’accord ? Ils acquiescèrent et s’en furent. Mon équipe rapprochée n’était pas la plus mauvaise, mais celle avec les dents les plus longues. J’avais été nommée il y a trois ans à ce poste à la place d’Eric, disqualifié par son âge. Lorsque Audrey déploierait son attaque, je quitterais cette entreprise. Il me restait deux ans. Je m’étirais comme mon prof de yoga me l’avait enseigné pour m’oxygéner. Je regagnais mon bureau, me servis un verre, examinais la pile de dossiers et commençais la rédaction des notes que Rosie transformerait en courrier intelligible. Quand la fin de la journée arriva, je n’avais pas revu Messner. J’étais satisfaite d’avoir circonscrit cette crise, bien que je susse que d’autres pointeraient leurs gueules tout en béance dès les jours prochains. Le téléphone sonna au moment où j’avais décidé de rentrer. - Oui, bien sûr, pardon j’avais oublié que nous devions nous voir… Le contrôleur de gestion montait me présenter le budget que je voulais attribuer à la mise en place de notre stratégie positiviste.

Il y avait longtemps que je n’avais pas crié de bonheur ainsi. Quel pied ! Je peinais à reprendre ma respiration et mon corps se plissait de plaisir. Ses doigts emprisonnaient ma main, un vrai délicat. Il se redressa sur un coude, m’embrassa l’épaule. - La salle de bains ? - Tout de suite à gauche Parfait, il est parfait. Quand il était apparu quelques heures plus tôt dans l’encadrement de la porte du bureau, j’avais oublié pourquoi il m’avait plu. Un peu trop mince. Cheveux plaqués, boy scout endimanché. Nu à mes côtés il s’était révélé plein de surprises et judicieusement mutique. - J’y vais - Tu ne restes pas ? - Pourquoi, tu le voudrais ?

Il me souriait presque méchamment. Il faudrait que j’apprenne à me taire, moi aussi.

J’étais devant ma table de travail, il était à peine cinq heures, un coin bureau que j’avais aménagé dans un angle de mon loft. Toujours aussi perplexe. Je traçais des signes avec ma main gauche et cherchait à me convaincre que si ma main bougeait, j’écrivais. Crétin d’éditeur ! Un autre Messmer. Par une chaude après midi de juin, j’étais venu lui proposer un livre sur l’économie, un mode d’emploi pour néophyte, un ouvrage pour vous familiariser avec les termes abscons que nous employons entre nous comme un langage secret entre membres d’une secte abâtardie. Il m’avait souri et son visage de Droopy vieillissant avait pris une expression obscène. J’étais certaine que ma robe rouge sans manches n’était pas transparente. Je croisais les jambes aussi bas que me permettaient les talons de douze centimètres de mes sandales. Mon apparence ne pouvait pas m’attirer que les jeunes chiots, d’autant que les moins de vingt cinq ans préféraient le style gothique. Plus sexy dangereux. J’attirais les pépères pervers. Je secouais furieusement la tête et j’arrêtais instantanément quand il commença à baver. Il m’avait alors expliqué en termes choisis, je dois lui reconnaître un vocabulaire d’une grande richesse, que seule la chicken littérature avait de l’avenir. Il me proposait d’écrire le parcours d’une jeune dinde avec forces anecdotes et intermèdes sexuels, au cœur de la bourse. Il avait, à ce moment, fait une plaisanterie d’une grande vulgarité, pour me donner le ton certainement. Je n’avais pas su dire non. J’avais cru pouvoir donner un peu de tenue à ce postulat de départ. Et maintenant en pyjama, les pieds nus et glacés, je séchais sur le deuxième chapitre répugnant à ce que mon héroïne suce M. pour gagner un niveau supplémentaire. Etienne, que j’avais surpris il y a deux soirs, lire sans vergogne mon premier jet, m’avait expliqué que c’était de la balle, qu’il fallait qu’elle en chie d’abord un max, que plus son parcours initiatique serait trash, plus sa réussite serait jouissive et sa vengeance, un grand trip, que les meilleurs jeux vidéos ne procédaient pas autrement. Je n’avais pas envie d’écrire aussi pourrie que la vie. Mon neveu avait repris sa planche, s’était tiré de mon appart de bourge et m’avait lancé une formule définitive sur ma sentimentalité de vieille peau. - Dommage t’es encore canon. Son baiser m’avait fait claquer le tympan, je n’avais senti que son menton pointu et la piqûre de ses premiers poils. Tu passerais bien à la télé ! Les ados ne devraient pas exister. Ils nous font vieillir, même ceux des autres. Jusqu’ici j’avais évité cette sorte d’emmerdements, mais le monde est rempli de personnes moins perspicaces que vous qui font des choix différents et un jour ou l’autre vous êtes confrontés à leurs erreurs. Je décidais d’écrire l’épisode le plus sentimental de ma vie. J’espérais qu’Etienne en rendrait ses boyaux. En fait, je ne le pus pas. Impossible de décrire la plénitude de mon bonheur lorsque Thomas m’avait demandé ma main et que nous nous étions avancé devant l’autel de bric et de broc où officiait avec le plus grand sérieux un moniteur habillé de blanc. Nous avions huit ans. Je savais qu’il était l’auteur des menus larcins dont chacun se plaignait depuis le début des vacances, mais j’étais sa Bonnie et je l’ai aimé comme je n’ai plus aimé depuis. Mon dernier amour a les traits d’un môme de huit ans, un voyou tendre aux yeux clairs et aux mèches rebelles. Je sens encore le soleil sur mes joues lorsque j’ai refusé de l’embrasser sur la bouche. Les autres couples d’enfants l’avaient fait. Thomas s’en fichait, j’en ai encore le regret. Le lendemain, j’arrivais tôt au bureau. Il pleuvait des cordes sans discontinuer. Je trouvais les messages d’Eric et d’Audrey m’informant qu’ils avaient éteints les départs de feu confirmant mon intuition qu’il y avait eu des risques d’incendie. J’avais signé un budget conséquent pour notre stratégie de négation de la crise. Je n’espérais pas qu’il suffise. Les nouvelles étaient mauvaises. Les bourses continuaient de s’effondrer et les chiffres s’alignaient en négatifs comme autant de soldats morts. Je devais m’attendre à voir réapparaître Messmer. Dans la matinée, Rosie m’appris qu’il s’était tenu un comité de direction international au siège à Bâle et que notre président Monsieur Godberg nous ferait une visite avant la fin de la semaine. Elle se tenait rieuse devant moi dans un tailleur de shantung de soie beige et je crois qu’elle me regardait avec amitié. Je refoulais mon envie de l’entourer de mes bras et d’embrasser sa joue ronde et parfaitement crémeuse au toucher. Je n’avais jamais compris comment elle pouvait connaître des informations si confidentielles avant quiconque dans l’entreprise. Je ne cherchais plus à élucider ce mystère. J’aimais l’écouter me rapporter ces surprenantes nouvelles et les commentaires qu’elle en faisait. Son intelligence et sa perspicacité m’avait souvent donné un coup d’avance sur ma hiérarchie. Elle avait chaussé ses lunettes dont la fine chaîne doré reposait sur ses épaules et se tenait debout devant moi sans bloc ni crayon. Elle ne prenait jamais de notes et faisait disparaître les miennes. Elle prit appui du bout des doigts sur mon bureau et poursuivit : - Messmer sera informé de la venue de Godberg en fin de matinée, nous ne devrions pas le voir. Votre neveu a laissé un message : N’oublie pas Georges comme la dernière fois, tu es sa marraine, merde, rue Blériot 17 heures. Je fis la grimace et je soupirais. - Merci Rosie Elle m’adressa un sourire à faire pâlir le soleil et s’en fût. (Qu’est-ce qu’elle ferait sans moi Ce n’est qu’une môme Je n’arrive pas à la voir autrement Trente-cinq ans Elle grandira jamais Pourquoi je me suis attachée à elle ? Elle ne fait pas semblant Elle me regarde vraiment Les autres ne me voient pas Je connais sa peur Pourquoi elle reste là ? Nous serions mieux ailleurs Je dois la laisser décider Elle partira Les signes sont présents Les fêlures deviennent éventrements Bientôt)

Dieu, j’avais failli oublier Georges. Etienne, qui semblait ne s’intéresser à rien, avait mis en place avec deux amis et une efficacité redoutable, un parrainage de SDF qu’il organisait par l’intermédiaire d’un blog sur le web et qui fonctionnait mieux que bien. Il m’avait enrôlé de force et m’avait choisi un SDF classieux selon ses propres mots pour que ma confrontation avec la vie réelle ne soit pas trop brutale. Cela en disait beaucoup sur la façon dont il me voyait. Je regardais mes ongles à la manucure impeccable et je lui donnais en partie raison, même si j’eusse préféré me pendre que de l’admettre. Je fis appeler Philippe et m’installais avec mes dossiers sur la table ronde qui nous servait pour nos réunions, séparée du reste de mon bureau par trois plantes en pot atteintes de gigantisme. Elles aimaient la lumière qui entrait à flot par la baie vitrée. Une fois assis, nous pouvions nous imaginer en forêt tropicale, de la même façon qu’un mini golf peut évoquer un golf de dix-huit trous. J’avais du mal à me concentrer. Je pensais au contrôleur de gestion et à notre nuit furieuse et je n’arrivais pas à en tirer un enseignement satisfaisant, sauf à conclure des vérités déplaisantes.