Fier, oui, il se sentait profondément satisfait, un genre de bien-être qui ne demande rien à personne. Tout entier pour lui. Une confiance, une assurance se dégageaient de lui mais avant tout lui faisaient du bien à lui.
Simultanément, on ne peut pas y croire, il restait modeste. Emprunt d'une discrétion respectueuse des sensibilités des uns et des autres, de ses adversaires, ce groupe de compétiteurs dont il faisait partie. De ses amis, ces personnages qui lui témoignaient depuis si longtemps leur soutien dans les étapes qu'il avait du franchir.
Hier, il était encore fébrile d'avoir raté le cut, d'avoir joué comme un sagouin. Trop pressé, il avait voulu forcer le destin au lieu de s'en accommoder. Il devait y arriver, alors, avec volonté il s'était accroché tant et plus, mais la corde avait lâché. Parvenir au coup parfait, sous le stress, oui cela avait constitué un but inatteignable. Il avait insisté encore et encore. Il n'avait pu se résigner à la réalité. Il avait encore et encore tenté le coup impossible. Abattu, meurtri, inconscient, ses amis l'avaient entouré.
- Alphonse, patiente un peu, tu es sur le chemin, sur la voie de la victoire.
- T'inquiètes, on est là.
- Bravo, tu as le courage d'affronter les épreuves. Nana trouvait les mots pour relativiser et le féliciter, quel que soit le résultat, surtout lorsque c'était difficile pour lui.
Elle, décidément, apportait son lot de consolation, son lot d'optimisme, son lot d'espoir. Elle devait tenir ça de son père, inébranlable dans l'adversité. Elle se souvenait, dans la panade, dans la faillite, il se démenait toute la journée avec le sourire. Incertain, pour ne pas dire inquiet, mais souriant. La courbe des lèvres reflétait un état intérieur contagieux. Elle avait compris très tôt que l'essentiel c'était là, en ce moment, à l'instant même ou elle avait l'occasion de faire qu'il convenait justement d'essayer, de se lancer en avant. Pas besoin de garde-fou d'une prétendue sécurité, pas besoin d'assurer des arrières sur lesquels on ne reviendrait jamais, juste à expérimenter quitte à corriger le tir, quitte à s'adapter à l'évolution de la situation. On ne pouvait jamais compter sur des certitudes, mais par contre on pouvait, on devait s'appuyer sur ses propres capacités, les affûter, les développer et entrer dans le jeu, le jeu d'une vie riche en rebondissements. Le changement c'était permanent, alors inutile de le refuser. Marcher dans l'inconnu, oui, voilà le lot de chacun.