Le secret de Lucy par Elfine

Campagne commencée le vendredi 6 mars 2015 et terminée le samedi 12 septembre 2015

Rounds Mots Signes Temps
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Round 1/30 écrit le vendredi 6 mars 2015

1066 mots | 6362 signes

  • Tu lâches un mot, j’te fais la peau ! Je suis coincé. Pas moyen d’échapper à ces bras de mastodonte. Elle est plus grande, plus forte que moi… et pourtant je découvre de la peur dans ses yeux. Je fais le brave :
  • C’est quoi ton problème ? J’t’ai rien fait ! C’est vrai j’ai rien fait. J’ai juste vu quelque chose. C’était comme un éclair blanc qui est sorti de sa manche pour atterrir dans son pupitre. Elle n’a pas de chance, la nouvelle. Le prof lui a dit de s’assoir à côté de moi, même si j’ai bien vu qu’elle lorgnait vers le pupitre-double libre au fond de la classe. Le prof, lui, avait l’air soulagé d’avoir enfin trouvé quelqu’un à mettre à côté de moi. Il ne serait plus obligé de faire les exercices à deux avec moi.
  • T’as rien fait peut-être mais t’as vu un truc… raconte !
  • J’vais pas en parler, promis ! dis-je d’une toute petite voix.
  • Faut que je sache.
  • J’ai juste vu un truc blanc que t’as laissé tomber de ta manche, mais ça ressemblait pas un mouchoir.
  • T’as le don d’observation, toi. Qu’est-ce que tu crois que c’était ?
  • Je sais pas moi, une antisèche peut-être…
  • Bip ! T’as tout faux !
  • … mais comme t’es nouvelle, tu pouvais pas savoir pour le test. Je réfléchis un instant.
  • Ca y’est, je sais : une lettre de ton amoureux que t’as laissé d’où tu viens ! »
  • Bip ! Bip ! Dernière chance !
  • En fait, je crois que j’ai vu une souris blanche. Mais elle était un peu grosse et puis une personne bien dans sa tête emporterait pas une souris au collège... je crois. Son regard lance des éclairs.
  • Idiot ! hurle-t-elle, c’est un rat ! Mon sang ne fait qu’un tour. J’ai horreur des rats ! J’ai peur des rats ! Je demande d’une voix tremblante :
  • Ça… ça… ça… existe… les… les… les… rrrrrrrrrrrats… blancs ? Pour toute réponse, elle fait un drôle de bruit, un peu comme celui que je fais quand j’appelle Chaussette. Soudain, du col de son t-shirt sort une petite tête blanche au museau pointu qui me fixe de ses yeux rouges. Je commence à frémir puis des spasmes incontrôlables me prennent. La seule chose qui me tient debout sont les bras costauds de cette grande fille brune. En passant par le bras tendu de sa « maîtresse » le rat vient me renifler le nez. C’est la goutte qui fait déborder le vase : je tombe dans les pommes. À mon réveil, ce sont les murs blancs de l’infirmerie qui m’accueillent. Je tourne ma tête vers le bureau séparé de la salle de repos par une vitre. J’y vois l’infirmière en pleine conversation avec la nouvelle. Elle a l’air perdu. Elle secoue la tête et dit un truc que je n’entends pas, mais que je peux lire :
  • Non, je ne sais pas. J’ai juste entendu un drôle de bruit quand je suis passée devant les toilettes des garçons. Comme il n’y avait personne j’ai poussé la porte et je l’ai trouvé allongé devant les pissoires. Je crois qu’il a fait un malaise. J’ai tout de suite cherché de l’aide. Je ne vois pas la réponse de l’infirmière qui me tourne le dos.
  • Il est réveillé, dit soudain la fille qui a tourné la tête vers moi. L’infirmière se retourne et se précipite vers moi. Elle pose sa main fraiche sur ma nuque. Puis demande doucement :
  • Qu’est-ce qui s’est passé ? Je tourne les yeux vers la nouvelle. Son regard me supplie de ne rien dire.
  • Je crois que j’ai vu une souris dans les toilettes, dis-je en fixant la garde-malade droit dans les yeux. Et puis je n’ai pas beaucoup mangé ce matin. Je crois que le choc m’a fait tomber dans les pommes.
  • Ça t’arrive souvent, ce genre d’hallucination ?
  • Je n’ai pas la berlue ! Je ne suis pas fou !
  • Tu sais que de ne pas assez manger avant de venir au collège, ça peut créer des problèmes de concentration ou de malaise et parfois même des hallucinations. Je te conseille de manger un peu plus avant l’école ! Je te garde la prochaine heure en observation et après tu pourras rejoindre tes camarades. Toi, dit-elle en pointant la nouvelle du doigt, tu peux retourner dans ta classe. Je te donne un mot d’excuse et tu diras que ton camarade ne revient que pour la prochaine leçon. Elle retourne dans son bureau pour remplir son mot d’excuse et je ne sais quel formulaire. Je me tourne vers la nouvelle qui est restée plantée devant le lit et qui contemple le paysage gris par la fenêtre.
  • Moi c’est Tom, dis-je en la faisant sursauter.
  • Lucy, mais ça tu le sais déjà. Le prof l’a dit quand je suis entrée.
  • Ben, en fait, j’ai pas trop fait attention. J’étais en train de lire un comics.
  • Sympa l’accueil… J’essaie de me rattraper.
  • Merci de m’avoir sauvé…
  • Pas d’quoi. Merci de n’avoir rien dit…
  • Pas d’quoi. Je ne sais pas mentir. Il a fallu que je trouve quelque chose de plausible pour ne pas avoir à tout dire. De toute façon, elle ne m’a même pas cru. J’imagine que les services d’hygiène sont scrupuleux dans leur recherche quand ils font leur inspection annuelle.
  • Ouais… Tu sais, il est pas méchant. Il ne te ferait pas de mal… Il s’appelle Dardar.
  • Mais c’est le nom de la super souris…
  • … oui mais c’est un rat.
  • Il n’est pas un peu malade ? Il a les yeux tout rouges.
  • Idiot ! C’est un albinos. Il a été rejeté par sa famille et je l’ai adopté quand il était tout petit. Maintenant, c’est moi sa famille. Je ne peux pas le laisser seul à la maison sinon il fait des bêtises. La dernière fois, il a fallu que je dise à papa que j’avais invité des copains et que c’étaient eux qui avaient détruit le salon.
  • Quoi ! Tes parents savent pas que tu l’as ?
  • Mon père ne veut pas d’animal de compagnie.
  • Et ta mère ? Là, je crois que j’ai fait une gaffe. J’ai à peine le temps de voir une larme avant qu’elle ne se retourne, se dirige vers le bureau de l’infirmière et disparaisse avec son mot d’excuse. Les heures suivantes, elle m’évite, sort toujours plus vite que moi des salles de classe. À la fin de la journée, j’arrive à glisser un mot dans son sac à dos alors qu’elle récupère les leçons précédentes auprès du prof. Pourvu qu’elle le trouve … J’ai écrit : « Faut qu’on parle. Signé : Tom »

Round 2/30 écrit le samedi 7 mars 2015

289 mots | 1621 signes

Le lendemain, nous avons à nouveau cours de français avec le prof principal. Lucy est de nouveau à côté de moi, je vois encore une fois le truc blanc sortir de sa manche et se glisser dans le pupitre où elle a émietté une biscotte.. Un frisson me parcourt. D'habitude, le français, ça m'intéresse, mais là je crois que je n'ai pas retenu un mot du prof. Y'avait bien un travail à deux sur un texte bourré de COD et COI mais j'en ai profité pour discuter avec ma voisine. Point d'ancrage du dialogue: le rat. Elle est intarissable Lucy, elle sait tout! - Tu sais, je suis inscrite sur un Forum Internet. Là, ils donnent plein de conseils. - Quoi! t'as le droit d'aller seule sur Internet toi? - Ben ouais... enfin non. Mais Papa y voit qu'du feu et comme il est presque pas à la maison, j'en profite. Cette fois je fais attention et tourne 7 fois la langue dans ma bouche avant d'ajouter: - Moi, j'ai le droit à Google quand je dois faire des recherches pour un exposé. Et puis mon père il jure que par Wikipédia. Je lui ai dit qu'il fallait diversifier ses sources, comme il s'en vante souvent quand il parle de son travail. Mais pour l'école, il dit qu'une source est bien suffisante. Sinon, c'est ma mère qui m'accompagne à la bibliothèque. Ringard! Et là d'un coup, Lucy se tourne vers la fenêtre. Je ne vois plus son visage. Elle a arrêté de m'écouter. Qu'est-ce que j'ai dit encore? Et puis je me souviens de l'aventure de l'infirmerie. C'est quand je lui ai demandé "et ta mère?" qu'elle a disparu plus vite que l'éclair. Qu'est-ce qui a bien pu se passer avec sa mère?

Round 3/30 écrit le dimanche 8 mars 2015

265 mots | 1492 signes

C'est l'odeur des cookies qui m'accueille quand je passe la porte de l'appart'. - C'est toi Tom? crie papa depuis la cuisine. Je ne réponds pas et viens me planter devant le comptoir tout en essayant de deviner ce que papa est en train de faire à quatre pattes sous la table de la cuisine. Sans se relever: -Tom! -C'est bon Pap. Pas la peine de hurler. J'suis là. Il se redresse d'un coup, surpris. - Aïe! Ça c'était le coin de la table. Il a mal calculé son coup en se redressant. - C'est nouveau ces manières de ne pas répondre quand on appelle? - Désolé, Pap... Je peux te poser une question? -Vas-y, envoie! Il sort du congélateur du frigo un bloc de glace qu'il se colle sur la tête. J'attends qu'il me regarde pour commencer: - Y'a une fille dans ma classe, la nouvelle... tu sais je vous en ai parlé l'autre soir à table. Elle est bizarre... - Oh! Oh! Je ne savais pas que les affaires de cœur commençaient si tôt dans la vie d'un collégien. Tu veux pas attendre que Mam soit là pour en parler? Elle est de très bon conseil. La preuve, elle m'a trouvée. - Papa! C'est pas le moment. Il reprend un air grave. C'est rare que je l'appelle PAPA. - Pardon. Raconte. Je te laisse finir. - En fait, je crois qu'elle a des problèmes dans sa famille. Chaque fois que je dis le mot "mère" ou quand je parle de Mam, elle fait une drôle de tête et ne veut plus me parler. Tu veux pas m'aider à trouver pourquoi? Ça te connaît les enquêtes, non?

Round 4/30 écrit le lundi 9 mars 2015

344 mots | 1943 signes

  • Lucy!

Je l'ai aperçue de l'autre côté de la rue. Elle est tellement plongée dans ses pensées qu'elle ne m'entend même pas. En plus, une moto pétaradante passe à ce moment. Pas la peine. Je cours jusqu'au prochain passage et j'attends sagement qu'une voiture décide de s'arrêter. A la troisième, je force le passage et pose un pied sur la route. Coup de klaxon. Doigt d'honneur et coup d'accélérateur. Je me fait rasé par un vieux débile en Mercedes. Je continue et pose le deuxième pied sur la route. Cette fois une gentille dame toute souriante me fait signe de traverser. Je contrôle l'autre côté de la route. Rien en vue. Je retiens ma respiration et je tente. Je ne reprends mon souffle qu'une fois de l'autre côté. Bravo! J'ai perdu sa trace. Je n'avais jamais remarqué la foule qui se précipite dans tous les sens, ne fait pas attention à un pauvre gosse perdu qui tourne sur lui-même pour essayer de retrouver sa maman... heu, non, en fait, c'est une connaissance du collège. Mon imagination me perdra.

Bon, elle est passée où? Si je suis mon instinct, elle aura continué sur la même trajectoire. Je suis donc la grande rue, le long de ses boutiques parfumées et chères. Et puis, il y a un manteau vert fluo là-bas. Ça ne peut être qu'elle. La mode du fluo est passée depuis des mois et elle est la seule à encore le porter. Même au collège. Elle a l'air de se foutre complètement de ce que les autres pensent. C'est bon signe. En plus elle est grande, plus baraquée que moi et d'une couleur caramel-café-au-lait qui me fait penser au soleil.

Maintenant que je l'ai repérée, je ne la lâche plus. Même que je me dis que comme elle ne m'a pas vu, c'est l'occasion de la suivre et de voir où elle habite. On ne sait jamais, ça peut servir. Alors, je suis maintenant le détective Tom, défenseur de l'innocent et pourfendeur de l'injustice. Pourvu qu'elle ne me repère pas!

Round 5/30 écrit le mardi 10 mars 2015

557 mots | 3331 signes

Je la suis jusqu'au centre commercial. Elle ne se doute de rien, j'en suis sûr. Il lui arrive pourtant de se retourner pour voir si quelqu'un lâ reprérée. En fait, je crois qu'elle se méfie de tout le monde.

Samedi après-midi + centre commercial = horreur. Elle se dirige d'abord vers les cinémas puis au dernier moment elle change de route. Traverse un magasin de fringues avec deux entrées, une sur chaque allée du centre. Elle tourne à gauche puis fait demi-tour. J'ai juste le temps de me coincer entre deux grosses bonnes femmes s'empiffrant de frites et de boissons gazeuses sucrées. Finalement, elle s'engouffre dans un magasin tout à fait ordinaire, une animalerie. Et là, l'image du rat blanc refait surface. Je m'ébroue pour ne pas frissonner.

Je m'approche à pas de loup de l'entrée du magasin en essayant de paraître accompagné par des adultes. Au moment où je regarde dedans, Lucy est en train de lâcher son rat sur un sac de nourriture pour rongeurs. La caissière ne remarque rien, et le vigile est en train de faire la cour à deux jolies demoiselles. C'est une cliente qui pousse un cri:

  • Eh mais ça va pas! Qu'est-ce que tu crois que tu fais là mademoiselle?

Prise la main dans le sac, Lucy joue la bravache.

  • Ben rien de spécial. Je donne à manger à mon rat. Vous le trouvez pas mignon mon Dardar?

La dame d'âge mûr portant un pincher nain dans un sac spécial à carreaux écossais fait un pas en arrière, les yeux presque révulsés par l'horreur.

-Cette gamine est folle! Elle se promène avec un rat et lui donne à manger dans le magasin. Faites quelque chose monsieur l'agent...

Entre temps le vigile est sorti de sa torpeur de joli-cœur et s'est posté derrière Lucy.

-Ne vous inquiétez pas madame, tout est sous contrôle.

Rassurée, la vioque tourne les talons et se rend dans le rayon "caniches et petits chiens" qui se trouve à l'autre bout du magasin.

Le vigile se tourne vers la "gamine", se plante devant elle les mains sur les hanches, croyant l'impressionner.

  • C'est quoi ces manières? Tu crois que c'est un restaurant pour animaux apprivoisés ici?

-Ben non m'sieur. Mais Dardar il avait faim. Alors avant d'acheter le sac, je lui ai fait manger un peu... pour être sûre qu'il aime.

Elle trifouille dans une poche de sa veste vert fluo et en sort un porte-monnaie déglingué. Elle l'ouvre sous les yeux du vigile et tend un billet de 10 euros.

-Vous voyez bien que je mens pas...

Pas gênée, elle attrape le sac entamé sur l'étagère, fait le bruit comme pour appeler un chat et aussitôt la bestiole blanche qui était partie explorer les autres sachets qui sentaient tout aussi bon que le premier paquet se précipite sur le bras de sa maîtresse et part se couler dans la capuche. A la caisse Lucy donne son billet et ne fait plus attention au gardien qui n'en croit pas ses yeux ni ses oreilles. Ne sachant comment réagir, il fait comme si de rien n'était et retourne en sifflotant vers l'entrée.

-Ben qu'est-ce qui t'arrive? T'as jamais vu une tentative de vol qui a avorté? me demande Lucy en me croisant à la sortie.

Je ferme le bec, reprends possession de mes esprits et trace derrière la propriétaire du rat blanc. Elle n'avait pas l'air surprise de me voir là...

Round 6/30 écrit le mercredi 11 mars 2015

238 mots | 1431 signes

Sans m'en rendre compte, je commence à courir derrière Lucy qui avance à grandes enjambées. Elle m'a vu! J'ai pourtant été discret... Non, elle m'a vu! Adieu mes rêves de détectives. Du balai Sherlock à la mords-moi-le-nœud! Essoufflé, je lui demande:

-Comment t'as fait pour me repérer? J'étais toujours dans l'ombre! Je me cachais derrière les grands!

Elle ne réponds pas mais me fait un sourire. C'est encourageant. Au moins elle n'est pas enragée parce que je l'ai suivie. Avec elle je peux m'attendre à tout.

-Bon, alors! Tu m'expliques?

Pour toute réponse, elle pointe mon manteau de la main portant la nourriture de son rat.

-Mon manteau? Qu'est- ce qu'il a ce manteau? Il est tout fait normal! Au moins, il est pas fluo comme le tien!

Là, c'est elle qui commence à m'énerver. Elle hausse les épaules et continue sa route. Comme un petit chien, je ne peux m'empêcher de la tracer. Je baisse les yeux sur mon manteau rouge, celui que j'ai reçu pour la rentrée et qui ne me quitte plus. Rouge? Vous avez dit rouge? Cette couleur est presque aussi démodé que le vert fluo de la "gamine"! J'ai rien appris des films de guerre et de l'Histoire qu'ils nous fourrent dans le crâne au collège... Elle s'arrête. Se retourne. Me détaille de la tête aux pieds:

-T'as compris, nabot?

Là, je me sens vraiment débile... un peu comme un nabot qui n'applique pas la théorie.

Round 7/30 écrit le vendredi 13 mars 2015

240 mots | 1443 signes

Le nabot se met donc à suivre la brillante Lucy dans les rues de la ville. Elle raconte inlassablement comment elle a déjà réussi à chourer plein de bouffe pour son rat.

-Si la vioque d'avait pas été là, ça aurait marché. T'as vu comme le vigile se laisse trop facilement avoir!

Je la regarde, admiratif et en même temps, je cherche à comprendre ce comportement totalement irresponsable même pour une fille de 11... 12 ans.

-Au fait, t'as quel âge?

La question sort comme ça, à brûle-pourpoint, la coupant au milieu de sa phrase.

-12 ans... enfin dans deux mois. Pourquoi tu poses cette question idiote? On est dans la même classe, ça veut dire qu'on doit pas être trop loin dans les années."

-Ben, en fait, t'es tellement grande et forte que je me posais la question. C'est tout.

-T'en as d'autres des excuses aussi bidons? Pour que totu soit clair, Môssieur le Nabot, j'ai 11 ans, je suis black et je supporte pas les petits curieux dans ton genre. Et... BLACK, ça veut dire "NOIR" en anglais mais votre mot français est tellement péjoratif que je préfère utiliser l'autre.

Silence. On s'est arrêté au milieu du trottoir, on se fait face. Les gens nous contournent en grommelant. Elle ajoute:

-Je suis sûre que tu ne sais même pas ce que veut dire "péjoratif".

Et c'est là que je lui en met plein la vue:

  • Péjoratif: qui implique un jugement négatif...

Merci Pap!

Round 8/30 écrit le samedi 14 mars 2015

277 mots | 1632 signes

Après avoir cherché sa clé pendant un bout de temps, Lucy a fini par ouvrir la porte de l'appartement (quatrième sans ascenseur). Elle a désigné une porte au fond du couloir et je m'y suis précipité. J'ai fait couler l'eau en sifflant. Je n'ai pas oublié de laissé la lunette en l'air pour bien montrer qu'un mec est passé par là. J'en ai profité pour jeter un coup d’œil dans la pharmacie et le petit meuble sous le lavabo. Pas une trousse de maquillage. Deux brosses à dents dans le verre. Deux grandes serviettes accrochées à côté de la baignoire. En sortant, je regarde les images accrochées au mur. Rien, juste des trucs standards achetés au magasin de déco, genre pyramide de cailloux brillants sous la pluie, feuilles rouges d'érable et fleurs de lotus. Pas une photo. Je passe dans la cuisine. Lucy a déjà sorti trois bols. Dans deux d'entre eux, une montagne de céréales, dans le troisième, de la nourriture pour rongeurs. Le rat est sur la table et renifle les céréales avant de se précipiter vers SON bol.

-Avec ou sans lait?

-Avec, s'il te plait.

-T'es un p'tit marrant toi hein! T'as rien trouvé de mieux que le coup des toilettes pour pouvoir monter chez moi?

-Tu m'accuses de mentir?

-Un peu ouais.

-OK, j'admets. J'aurais pu tenir un peu plus longtemps. J'étais un peu curieux. Mais ça, c'est pas de ma faute. C'est héréditaire... Enfin c'est ce que dit ma m... ie, quand je lui rends visite. Elle pense que c'est à cause de Pap. Il est journaliste.

-Tu sais tu pouvais demander aussi. Je cache rien. A part, Dardar... mais lui, c'est un cas à part!

Round 9/30 écrit le dimanche 15 mars 2015

507 mots | 2939 signes

-Je vais pas te faire une photo. Le portable, c'est niet!

-Mais maman, tous ceux de ma classe en ont un!

-Eh bien toi pas.

-Mais pourquoi? Ça fait ringard! Pap. lui il en a un...

-C'est son problème et c'est pour son travail.

A ce moment Pap arrive dans le salon où se tient ma petite conversation houleuse avec Mam.

-C'est quoi ces chamailleries que j'entends? Tu veux un portable, toi? Je te croyais plus raisonnable que ça. Moi, à ton âge, je n'en avais pas...

-C'est pas de ma faute si t'es né au temps des dinosaures!

  • Mon petit gars, si tu continues comme ça tu peux être certain de ne pas en avoir un avant tes 18 ans!

Mam revient dans la conversation:

-Tu oublies à quel point ces smartphones sont dangereux pour l'environnement! Sais-tu tous les matériaux rares qui servent à les fabriquer? Sais-tu que des enfants travaillent dans des mines pour extraire ces terres rares? Ton père est obligé d'en avoir un pour son travail. Sinon, il y 'en aurait pas un dans cette maison...

Et voilà Pap qui sort l'argument qui tue:

-Sois heureux de ne pas en avoir, au moins on ne te demande pas toutes les cinq minutes où tu es! Profite de ta liberté bonhomme.

Pas la peine de discuter avec ces trous du cul. Ça se voit qu'ils viennent de la cambrousse. En ville, c'est indispensable un portable! Je ne vais pas les satisfaire. Je ne pleurerai pas. Je fais une pirouette digne d'un danseur de ballet et cours m'enfermer dans ma piaule. Pour les emmerder un peu plus, je tourne la musique à fond. Qu'ils se débrouillent avec les voisins!

Main croisé sous la tête, je repense à l'après-midi avec Lucy. Elle est bizarre cette fille. Plus je la connais, plus j'ai envie de découvrir son secret.

Nous étions en train de manger nos céréales, quand tout à coup, une musique classique a commencé à sortir d'une des chambres dont la porte était fermée.

-C'est quoi ce tintamarre? me suis-je écrié.

-T'occupe. C'est mon père qui a fini une de ses traductions. Il fait toujours ça pour se détendre.

Elle a grimacé, elle a englouti le reste de son bol puis elle m'a jeté dehors. Sans dire au revoir, elle m'a poussé dehors et a refermé la porte de l'entrée. J'ai entendu un cliquetis, la musique qui passait en sourdine sous la porte, puis plus rien.

Je poursuis mes réflexions sur le "cas" Lucy. Je repasse la semaine de collège. Et me souviens d'un drôle de truc. Il y a une attitude de la prof de musique qui me revient. Je n'y avais pas fait attention plus tôt, mais peut-être que c'est par là qu'il faut fouiner un peu. Quand Lucy a refusé de chanter lors du dernier cours, la prof n'a pas insisté alors que quand Lucas a essayé de se rebeller comme la "grande black", la prof l'a menacé de l'envoyer chez le dirlo pour impertinence. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Lundi, j'aborde le sujet avec la fille au rat blanc.

Round 10/30 écrit le lundi 16 mars 2015

286 mots | 1592 signes

Le dimanche se passe dans une ambiance tendue. Je fais la gueule et personne n'ose m'approcher au risque de se faire piquer.Je passe la matinée au lit, mon pyjama est mon meilleur ami et je ne veux pas le quitter. Je sors pour me préparer un sandwich à midi mais ne prends pas le temps de voir ce que Pap fait dans son bureau et les lectures du dimanche de Mam ne me passionnent pas non plus. Pas aujourd'hui en tout cas. J'ai besoin de toute ma concentration pour échafauder un plan et réussir à savoir ce qui se trame derrière le "mystère Lucy". Si je deviens son ami, elle finira bien par out me dire. Je sais que ce n'est pas le meilleur plan et que ce genre de prise de risque se termine souvent par la mort d'un des personnages dans les films mais pour l'instant rien d'autre ne me vient à l'esprit.

La journée tourne aussi autour d'une deuxième pensée. Je rumine encore cette histoire de portable qu'on ne veut pas me donner. Je crois que je leur ai fait toutes les promesses possibles et imaginables pour en avoir un: faire le repassage, faire les courses, aider la mamie de l'étage du dessous, donner à manger au chat de mamie pendant ses vacances dans le sud... Rien n'y a fait. J'ai même proposé de repeindre le salon! Soit il ne me font pas confiance et croient que je vais tout faire de travers, soit ils sont vraiment sérieux avec cette histoire de "terres rares" ou je ne sais plus quoi.

Finalement, je décide de mettre une annonce à la boulangerie pour trouver des petits jobs et me payer mon premier portable!

La semaine promet d'être chargée...

Round 11/30 écrit le mardi 17 mars 2015

413 mots | 2399 signes

Lundi arrive enfin. J'ai la tête explosée. Mes décisions du dimanche m'ont fait passer une nuit cauchemardesque. Je me suis levé je ne sais combien de fois pour réécrire la petite annonce pour la boulangerie et pour passer aux toilettes. Ça c'est l'angoisse de vouloir devenir ami avec quelqu'un. Une chose que je ne sais pas faire. Je me souviens d'une fois où ça m'est arrivé au CP. Mon ami a déménagé à la fin de l'année scolaire. Je l'ai revu une fois pour son anniversaire et puis plus rien. Mes parents n'avaient pas le temps de m'y emmener, les siens non plus, et "Hors de question que tu prennes le bus tout seul. Tu es trop petit!" Voilà à quoi se résume ma vie: Tom, 11 ans, 9 mois et 5 jours, handicapé de l'amitié, prisonnier de sa famille... Quel beau tableau!

Devant la grille du collège, j'attends l'arrivée de Lucy. En retard comme d'habitude, mais je suis prêt à faire le sacrifice d'une heure de colle pour en apprendre un peu plus. Et puis la solidarité, il parait que ça passe bien en amitié. La sonnerie retentit. Le pion me regarde d'un air bizarre puis me crie:

-Dépêche-toi et je te laisse passer sans "billet".

Le billet, c'est le passeport pour aller chez la conseillère d'éducation. C'est elle qui distribue les colles à ceux qui sont en retard ou qui se font choper à être impertinent, etc. Je fais non de la tête et je maudit mon plan. C'est encore les parents qui vont la ramener: "pourquoi est-ce que tu auras droit à un portable si tu n'es même pas assez responsable pour arriver à l'école à l'heure?" Je la vois grosse comme une maison cette remarque.

10 minutes et toujours pas de Lucy. Je me résigne et passe chez la dragonne. Cheveux jaune-paille, raides comme des baguettes. Des lunettes de crocodile, et un sourire carnassier. Je me demande combien d'élèves il lui faut au petit déjeuner pour la rassasier.

-Ce n'est pas ton habitude Tom d'arriver si tard. La prochaine je me verrai obligée de téléphoner à tes parents. Pour aujourd'hui, ce sera une heure de colle que tu feras à l'étude de demain soir, 17 à 18 heures.

Et m..., je vais rater Yu-Gi-Ho. Peste de Lucy!

Tête baissée, j'entre en classe et donne le mot d'excuse de la conseillère au prof. Je rejoins ma place et m'assois à côté de Lucy... Je sursaute, la dévisage. Elle me sourit. Une heure de colle pour rien!

Round 12/30 écrit le mercredi 18 mars 2015

325 mots | 1960 signes

A la récré, ça a été sa fête. Comment avait-elle pu me faire ça? Arriver à l'heure... en avance même!

-Je me suis payée assez d'heure de colle comme ça, explique-t-elle. Mon père s'inquiète toujours quand il ne me voit pas rentrer à l'heure. Et je ne peux plus lui faire ça.

-C'est bon laisse béton. Je voulais juste que tu m'aide pour un truc.

-Et morpion, c'est pas parce que je t'ai laissé entrer chez moi et que je t'ai donné un goûter qu'on est pote toi et moi. Le coup de l'infirmerie c'est passé, on n'en parle plus...

Soudain, elle se radoucit.

-En fait, p'têt que si j't'aide tu pourrais faire pareil?

-Heu, ouais. Ça dépend.

-Et ben voilà! C'est extraordinaire ça. Ils sont toujours prêts à demander un service mais dès que c'et l'inverse, y'a toujours des conditions!

-Eh t'emballe pas. C'est pas ça. C'est juste que je suis pas encore majeur. Je peux pas tout faire!

-Tu comprendras alors que c'est pareil pour moi.

  • Bon, on fait un deal. Si c'est dans nos cordes, on aide l'autre et si c'est pas possible, ce sera pour la prochaine fois. Ok?

-T'as gagné beau gosse! Elle signe sa réplique d'un clin d’œil... Vas-y, commence!

-Comme tu sais... ou peut-être pas. En fait je ne sais pas si je t'en ai déjà parlé...

-Accouche!

-Oui, bon... Voilà: mes parents ne veulent pas me donner de portable.

-Si c'est pour m'en faire voler un, oublie!

-Tu me laisses finir peut-être. C'est déjà pas facile comme ça, alors si tu me coupes à chaque fois... On, en fait, je veux me trouver un petit job, genre promeneur de toutous ou tondeur de pelouse. Mais pour ça il me faut une couverture. Si mes parents apprennent que je bosse pour un portable, ils me tuent.

-Charmant...

-Bref, je voulais savoir si tu es d'accord pour que je dise que je viens chez toi pour les devoirs ou un truc comme ça. Et s'ils téléphonent tu leur dis qu'on travaille ensemble.

Round 13/30 écrit le vendredi 20 mars 2015

323 mots | 1859 signes

-Et qu'est-ce que je peux faire pour toi?

Elle a l'air un peu gênée la Lucy mais finalement:

-Je sais que tu n'aimes pas les rats, mais est-ce que tu pourrais pas le garder un après-midi pour moi?

Je commence à peine à me faire à l'idée qu'un rat traîne dans les parages quand Lucy est là et maintenant il faudrait que je joue les baby-sitter?

-Heu... je sais pas... tu peux me dire pourquoi?

-Pas vraiment non, mais si tu fais ça pour moi, je te sers de couverture, promis!

Là, elle marque un point. Et moi aussi peut-être. Ça va peut-être m'aider à en savoir un peu plus. Je pose quand-même une condition:

-Ton Dardar, tu pourras le mettre dans une boîte avec de la nourriture pour que je ne le touche pas? Je suis pas encore tout à fait amonisé... pardon immunisé et je continue à trembler quand je le vois.

-Ben toi il t'en faut du temps pour t'y mettre! T'inquiète, j'ai une boîte spéciale pour le transporter. ça ressemble à un livre et tout le monde n'y voit que du feu.

Je regarde autour de moi. Merde! La cour de récréation est déjà vide. La sonnerie a fait son job et nous ne l'avons même pas entendue. Quels imbéciles! Nous nous précipitons dans les escaliers et couloirs et réussissons à rejoindre nos places avant que le prof ait levé les yeux de ses préparations. Chimie... Les autres de la classe ont déjà leurs livres ouverts sur la page des précipités mais il lèvent tous la tête en nous voyant entrer tout essoufflés. Y'en a même un qui ose faire un clin d’œil à son voisin. Je bous mais ne dis rien. Si c'est pour se faire massacré à la sortie, ça n'en vaut pas le coup. J'ai une autre mission: la boulangerie! Mon cœur s'accélère en y pensant, mais c'est vraiment le seul moyen d'obtenir ce foutu portable qui me fera accepter par les autres. Peut-être...

Round 14/30 écrit le samedi 21 mars 2015

460 mots | 2815 signes

La boulangère, je ne la connais pas. J'ai choisi une boulangerie où on ne va pas souvent parce que j'ai peur que mes parents la remarque et me reconnaissent. Je suis entré poussé par Lucy. Elle a refusé de venir avec.

-Mon petit gars, c'est ton problème si tu veux trouver un job! T'y vas tout seul. Je suis pas ton porte-paroles!

Remarque, elle m'a bien aidée, Lucy. Juste avant d'arriver elle m'a dit:

-T'as mis quoi comme numéro de téléphone pour que les gens te contactent?

  • Ben le mien, celui de la maison...

C'est en disant cela que j'ai compris mon erreur. Si je ne veux pas que mes parents sachent que je cherche un petit job, il vaudrait peut-être mieux que les gens ne téléphonent pas chez moi! J'étais perdu! Comment voulais-je que les gens me contactent si je n'avais pas de téléphone et comment pourrais-je m'acheter un téléphone si personne ne pouvait me contacter pour me donner un job? C'était le serpent qui se mordait la queue! Heureusement, Lucy était là:

-T'as qu'à mettre mon numéro et je ferai la secrétaire pour toi... Tu me rendras la faveur au double: tu garderas deux fois Dardar!

Je n'avais pas eu le choix. J'ai accepté. Elle m'a même prêté son dos pour que je rectifie le numéro qu'elle me dictait tout en étant penchée en avant.

Et maintenant, le grand saut!

-Bonjour madame.

-Bonjour jeune homme. Qu'est-ce que je peux faire pour toi?

-Est-ce que vous affichez des petites annonces?

-Bien sûr. Regarde là-bas à côté de l'entrée, il y a un panneau. Tu veux vendre quelque chose?

-Heu... oui... mes services.

-Voilà qui est bien courageux de ta part. Je ne vois pas souvent de jeunes qui veulent travailler pour gagner de l'argent. Ils veulent tous être chanteurs ou acteurs parce qu'ils croient que l'argent sera facile!

Oh là! Elle commence bien la bonne femme! Je crois bien que je peux m'en faire une alliée. Timidement, je lui demande:

-Vous connaissez quelqu'un qui a un chien que je pourrais promener ou une pelouse à tondre?

-Non, mais je peux mettre ton annonce sur le panneau et en parler aux gens qui passent. Je suis sûre qu'il y a des bonnes volontés pour aider des petits anges comme toi.

C'est la première fois qu'on me traite d'ange. Ça fait plaisir. D'habitude ce sont plutôt les quolibets, genre "pousse-toi de là le nain", ou "T'as vu, les bizuts sont de plus en plus petits!" en me regardant avec insistance. Je ne suis vraiment pas fait pour le collège!

Avant de ressortir, j'achète deux pains au chocolat. Avec un grand sourire, j'en refile un à Lucy qui m'attend de l'autre côté de la rue:

-Alors nabot, t'as réussi?

Je sens une pointe de chaleur dans sa façon de me traiter de nabot... Serait-il possible qu'elle commence à m'apprécier?

Round 15/30 écrit le dimanche 22 mars 2015

282 mots | 1567 signes

J'ai retrouvé la paix à la maison. Les coups de gueule se font moins fréquents. Y'a juste cette fois où Pap a remarqué:

-Ça fait longtemps qu'on n'a plus entendu parler de portable, Thomas. Ce pourait-il que tu deviennes raisonnable.

Pour donner le change et éviter qu'il ne se doute de quelque chose, j'ai envoyé une réplique mortelle genre "il a le culot de retourner le couteau dans la plaie" et je suis parti faire un tour au parc, en claquant bien fort la porte en sortant. Pour lui faire comprendre qu'un portable serait bien pratique, je suis rentré en retard pour manger. Mon excuse:

  • Vous auriez pu m'appeler pour me dire qu'il fallait que je rentre. Je n'ai pas de montre... Ah, mais je suis bête... vous pouvez pas m'appeler, j'ai pas de portable non plus!

Le repas s'est fait dans le silence. Pap a servi la soupe et Mam s'est ensuite préparée pour son service de nuit. Elle avait l'air triste. Je me suis demandé si c'était ma faute et puis je me suis dit qu'il ne fallait pas que je me laisse avoir par les grands. Eux, ils ont déjà tout ce qu'ils veulent. Je vois pas pourquoi ils en privent les plus jeunes.

Avec Lucy, ça roule pas mal. J'ai toujours du mal avec Dardar mais j'ai réussi à ne plus tomber dans les pommes en le voyant. Personne n'a encore téléphoné chez Lucy pour un job, mais bon cela ne fait que trois jours que je suis passé à la boulangerie. Moi, j'ai peur plutôt que Lucy se fasse attraper à l'école. Elle a de la chance pour l'instant que je sois le seul à l'avoir remarqué son rat.

Round 16/30 écrit le lundi 23 mars 2015

264 mots | 1501 signes

Première mission!
Lucy m'a apporté un bout de papier ce matin. Elle n'a pas compris le nom et elle a gribouillé un Mme Dupont sur la feuille avec un numéro de téléphone. J'espère qu'il est bon celui-là. Je me précipite à la sortie du cours sur la première cabine téléphonique et appelle cette Mme Dupont.
-Allô. Ici, c'est Tom. M'a sœur m'a dit que vous avez appelé parce que vous avez besoin d'aide?
A l'autre bout du fil, une voix fatiguée, un peu chevrotante. Pourvu que ce ne soit pas un de ces petits roquets à promener! -Ah mon garçon. Oui, j'attendais ton appel. Ta sœur est bien gentille de prendre des messages pour toi. Je n'ai malheureusement pas connu une telle entente avec mes frères et sœurs...
C'est reparti, une bavarde! Avec patience, j'attends qu'elle ait fini de divaguer sur son enfance et ses frères qui faisaient les quatre cent coups et les sœurs qui ne pensaient qu'à sortir au bal.
-Madame, est-ce que vous pouvez me donner votre adresse. Je peux venir et vous m'expliquez le job.
-Bien sûr mon petit. J'habite l'immeuble juste en face de la boulangerie... Qu'elle est gentille cette madame Bonpain et puis elle porte bien son nom, tu ne trouves pas, mon petit? -Oh oui madame! Je viens dans 15 minutes. A tout de suite!
Je raccroche bien vite l'appareil avant qu'elle ait le temps de rajouter quelque chose. Elle a intérêt à bien payer la sortie, cette vieille, si je dois en plus l'écouter raconter ses malheurs!

Round 17/30 écrit le mardi 24 mars 2015

445 mots | 2497 signes

Je ne demande pas à Lucy de venir avec moi, même si je la vois traîner dans les parages de la cabine. J'avance d'un pas décidé vers ce quartier qui me paraît maintenant bien éloigné de chez moi.
J'ai déjà dit aux parents que c'était possible que je ne rentre pas toujours juste après les cours parce qu'on a un tas de travail à faire avec Lucy qui est devenue officiellement MA partenaire de travail du collège. Depuis qu'elle est arrivée dans la classe, je ne dois plus chercher avec qui je fais les expériences en sciences de la terre ou les conversations en anglais. Et puis c'est très bien parce que Lucy, elle est vachement forte en anglais! Elle m'apprend plein de trucs. La fois où je lui ai demandé d'où elle savait tout ça, elle a pris un air renfrogné et ne m'a plus répondu que par "yes" ou "no" même si je posais des questions genre "what's your favorit color?" (Quelle est ta couleur préférée?).
En arrivant au pied de l'immeuble, je jette un coup d’œil à la boulangerie. La vendeuse lève les yeux juste à ce moment-là et me fais un petit signe de la main. Je ne suis pas sûr, mais je crois qu'elle a aussi fait un clin d’œil! Je lui renvoie le signe mais pas le clin d’œil. Faudrait pas devenir trop familier avec des relations de travail...
Je sonne. Forcément, il y a un interphone. Je déteste ces saloperie. Ça crachote, ça bipe, mais jamais on ne comprend ce que les gens disent. Et c'est bien ce qui se passe avec la vieille.
-BRvhrudooed! -Oui Madame. C'est moi! -Rejifhqànvq -Bien Madame.
Ça buzz et je pousse la lourde porte en bois. Il fait sombre dans le hall d'entrée. Je joue le fainéant et prends l'ascenseur jusqu'au deuxième. Première porte à droite, Mme Debrey. Un peu éloigné du Dupont de Lucy... La porte d'entrée et à moitié ouverte. Je la pousse et crie:
-Madame Debrey! C'est moi! Tom! Je viens pour...
C'est que je ne sais pas pourquoi elle m'a appelé la grand-mère. Depuis le début j'ai cru que c'était pour un chien mais je me rends compte maintenant qu'elle ne m'a parlé que de ses problèmes. Sur le guéridon, j'aperçois un sac à petit chien à carreau. Ça va probablement être ma mission. Promener Toutou... -Entre mon petit.
Cette voix me dit quelque chose. J'avance vers une porte d'où sort une lumière douce. Au milieu de la pièce trône une grand fauteuil à oreille. Sur ce fauteuil la vieille dame du magasin, sur ces genoux, le pinscher nain...

Round 18/30 écrit le jeudi 2 avril 2015

426 mots | 2290 signes

Je reste figé.
-Et bien mon petit. Tu as peur d'un petit chien comme ça? Tu sais, il est adorable.
Je me doute bien que sa maîtresse trouve le petit roquet mignon, adorable, à croquer... sauf que là, c'est autre chose qui me passe par la tête: il ne faut surtout pas qu'elle me voit avec Lucy, sinon ça va faire un théâtre et je vais perdre mon job alors que je l'ai à peine commencé. Je me ressaisi, mais je ne m'approche pas plus.
-Oui, il est très heu... joli.
-Approche que je te vois un peu mieux. La boulangère m'a dit que tu étais un bon petit gars. Tu sais t'occuper d'animaux?
-Je crois, Madame. Il faut juste tenir la laisse et l'emmener au parc.
Un petit sourire se dessine sur son visage.
-Tu penses que je vais te laisser promener Kiki? Mais voyons, je ne pourrai jamais le laisser aux soins d'une autre personne. Il est trop petit et trop fragile. Non, j'ai besoin de quelqu'un pour Médor. Il a besoin de compagnie. Il ne sort pas et moi je suis souvent en vadrouille avec mon Kiki chéri. J'ai peur qu'il s'ennuie quand je le laisse seul.
J'imagine alors un vieux chien décrépi, les grandes oreilles pendant de chaque côté de sa tête posée entre ses misérables petite pattes pouvant à peine le porter. Prudent je demande:
-Il est où Médor?
Elle se soulève difficilement de son siège. Je vais pour l'aider mais elle me fait signe que ça va. Elle se dirige alors vers une porte un peu cachée par un rideau.
-Viens avec moi, je vais te montrer.
Nous pénétrons dans la cuisine. Il y a encore des miettes qui traînent sur la table en formica qui doit dater des années 60. La cuisine n'est pas aménagée. Je cherche la gamelle avec le chien à côté. Aucun signe ni de l'une ni de l'autre. L'évier déborde de la vaisselle du midi. Je me demande comment une vieille dame seule peut avoir besoin d'autant de vaisselle. Dans un coin, une machine à laver le linge avec un bocal rempli d'eau au-dessus. Il y a même une petite tour et un coffre au trésor déposés au fond sur quelques centimètres de sable. La vieille s'en approche et dit d'un air joyeux:
-Médor, je te présente ton nouveau gardien!
De la tour sort alors un drôle de poisson, du genre mini requin. La vieille entretien un piranha!

Round 19/30 écrit le vendredi 3 avril 2015

312 mots | 1715 signes

-Tom Lucy ! Donnez-moi ça !
Nous levons la tête de notre feuille. Le prof est au-dessus de nous et contemple le bout de papier que nous avons entre nous deux. En regardant le prof dans les yeux, Lucy lui tend le papier. Le prof lit à haute voix. Les autres de la classe sont tout sourire. Pour une fois que ce ne sont pas eux qui se font prendre, ils n’en sont que plus réjouis.
-Vous faites des expériences avec des rats en sciences naturelles ? demande le prof en levant les yeux du papier.
Lucy saute sur l’occasion : -Oui ! euh…enfin, non. On a juste un exposé Tom et moi et je voulais lui dire mon idée, mais comme on devait pas parler, je lui ai écrit.
-Mademoiselle, je suis d’accord si vous écrivez. Après tout nous sommes en cours de français, nous sommes en train d’écrire un texte de fiction… Il y a juste quelque chose qui me dérange : évitez le langage SMS, même dans les billets. « Le rat ce pa 1 animal stpd » n’est pas une phrase correcte. Je vous prierai donc de me la recopier 20 fois jusqu'à demain, en bon français s’il vous plaît.
Puis se tournant vers moi :
-Quant à vous Tom, comme vous participez indirectement à cette petite discussion littéraire, il me semble juste que vous cherchiez des expressions ou un poème avec le mot « rat » que vous recopierez au propre avec une décoration adéquate, jusqu'à demain aussi.
Satisfait, le prof retourne devant la classe et commence un petit discours sur « le message SMS : pourquoi c’est mal ». Moi, ça ne m’intéresse pas, je suis de toute façon orphelin de portable. Mais c’est vrai que c’est pratique quand on n’a que des tout petits bouts de papier à disposition.

Round 20/30 écrit le samedi 4 avril 2015

260 mots | 1440 signes

À la sortie du cours, c'est Lucas qui me parle en premier. Je crois qu'il n'ose pas trop s'adresser à Lucy. Elle est intimidante comme fille.
-Alors comme ça on fait des exposés en cours de biologie? Tu te souviendrais pas par hasard quel est mon sujet, parce que moi je ne m'en souviens plus!
-Heu, je sais pas. Faut que tu demandes au prof. Tu devais être malade quand il en a parlé.
-Ouais, c'est ça. Et moi je suis la reine d'Angleterre... Tu me prends pour un con ou quoi? Remarque je pourrais proposer au prof un truc comme ça. Et puis je ferai le mien sur les cancrelats. Tu savais qu'il y a des espèces très bizarres. Par exemple j'ai lu une fois un article sur un cancrelat qui porte le nom scientifique de Tomicule. C'est un tout petit truc pas malin qui réussit à se faire bouffer par les Lucacules, une espèce un peu plus grosse et surtout bien plus intelligente...
-Haha! Je suis mort de rire, Lucas. Un conseil, viens pas fourrer ton nez dans nos affaires. Ça pourrait mal tourner pour toi.
Là c'est Lucy qui parle. Je n'ai pas remarqué qu'elle s'est arrêtée juste derrière moi quand Lucas a trouvé que c'était l'occasion de m'adresser la parole. D'habitude, j'indiffère au plus haut point, que ce soit Lucas ou les autres. Je commence à me demander ce qui peut l'intéresser dans ma petite personne.
Finalement, j'oublie l'interlude et prends la direction du cour suivant. Anglais.

Round 21/30 écrit le lundi 6 avril 2015

438 mots | 2359 signes

Nous en sommes aux questions. La prof nous à fait tirer un adjectif interrogatif au sort et à partir de là nous devons poser une question en anglais à notre partenaire. Moi, je sais pas trop quoi dire. J'ai toujours l'impression de me faire rembarrer quand je travaille avec Lucy. La prof a même dit que Lucy parlait sans accent et qu'on devait tous prendre exemple sur elle. Alors je me lance:
-What is your name?
-Lucy.
-Eh, il faut faire des phrases complètes la prof a dit.
-Ah ouais! Tu parles comme ça dans la vraie vie: Tu dis : "Je m'appelle Tom" quand on te pose la question?
-Heu, non. T'as raison. c'est débile comme exercice!
-Monsieur Delamare! Le jour où vous parlerez aussi bien que Mademoiselle Anderson, vous aurez le droit de critiquer mes méthodes didactiques! En attendant, je vous prierai de suivre les instructions. Vous pouvez prendre un nouveau papier.
Et voilà! Une fois de plus à cause de Lucy, je me retrouve le point de mire de la classe. La prof a l'air furieuse et me fixe. Je baisse les yeux:
-Oui, m'dame.
Prochaine question:
-Where do you live?
-Rue de la Bétandière.
-Tu le fais exprès là. tu pourrai dire street of the Bétandière, non?
-Oh Tom! You are bothering me!
-What?
-Tu m'ennuies! A moi de poser une question!
-Why are you so shy?
-Heu... traduction?
-Pourquoi t'es si timide?
-Because... I don't know!
-Very good, Mister Delamare! May I ask you a question, Miss Anderson?
Oh non! Voilà que la prof vient s'en mêler!
-Sure.
-Where did you learn english?
Et voilà, ça recommence. Je vois le visage de Lucy devenir tout rouge. Elle se détourne de la prof, de moi et commence à tousser. Elle tousse si fort que la prof la prend par le coude et l'emmène dehors. The Prof revient quelques instants plus tard, sans Lucy. Je pense la retrouver dehors quand le cours se termine. Personne. La prof voit mon air un peu perdu:
-J'ai demandé à son père de venir chercher mademoiselle Anderson. elle ne se sentait pas bien. Je crois que c'est à cause de sa mère.
-Qu'est-ce qu'elle a la mère de Lucy?
J'ose demander d'une toute petite voix.
-Si mademoiselle Anderson ne vous l'a pas dit, je ne pense pas que ce soit à moi de vous faire part de ça. Vous devriez peut-être relire les journaux d'il y a six mois.

Round 22/30 écrit le mardi 7 avril 2015

319 mots | 1727 signes

-Tom! Tu viens? On doit faire les courses...
-Mais Mam, je voulais aller à la bibliothèque ce matin!
-Et je fais comment pour t'acheter de nouveau vêtements? Il faut que tu les essaies.
-Oh la barbe!
-Tu deviens bien poli toi soudain. Qu'est-ce que tu veux faire à la bibliothèque? Tu as un travail pour l'école?
-Ben oui... On a un exposé sur les rats avec Lucy et je lui ai dit qu'on se retrouve là-bas ce matin.
¨C'st un mensonge mais Mam n'y voit que du feu. Sauf que...
-Alors, je peux t'y déposer en revenant de faire les courses...
Elle me fait sa petite grimace habituelle pour s'excuser de chambouler mes plans et ajoute:
-Tu peux l'appeler avant qu'on parte pour lui dire que tu arrives une heure plus tard.
Je prends donc le téléphone et court m'enfermer dans ma chambre. Je fais semblant de dire Lucy:
-Allô, Lucy? Ecoute faut que je repousse notre rencontre à la bibli. Mam tient absolument à m'acheter de nouveaux pantalons. Il paraît que je grands trop vite en ce moment...
Petit silence.
-Ok! A plus!
Ouf! J'espère que Mam a bien écouté.
-Dis-donc, elle est pas un peu sourde ta copine? demande Mam alors que je sors pour enfiler mes baskets. Peut-être ai-je un peu trop forcer la dose en parlant fort dans le téléphone. Elle ajoute:
-Ce sera l'occasion pour que tu me la présente ta copine. On en entend beaucoup parler mais on ne l'a toujours pas vue!
Oups! Galère... Faut que je trouve une excuse vite fait pour que Mam ne vienne pas avec moi à la bibliothèque. J'ai pas envie qu'elle se rende compte que ma sortie n'a rien à voir avec un travail pour l'école et encore moins qu'elle a tout à voir avec Lucy et son secret...

Round 23/30 écrit le mercredi 8 avril 2015

493 mots | 2858 signes

J'ai réussi à échapper à Mam. Elle est toujours tellement débordée que cela n'a pas été difficile de lui faire croire que Lucy était en retard et que c'était souvent comme ça et que j'allais commencer les recherches sans elle. Elle m'a très vite lâché les baskets pour renter à la maison avec ses dernières recommandations habituelles:
-Surtout fait attention en rentrant, regarde bien à droite et à gauche avant de traverser la rue...
Je crois qu'elle n'a pas remarqué que je suis au collège maintenant. Je suis peut-être le petit chez les grands mais au moins j'ai pris quelques centimètres en trois mois. D'où les habits que nous venons d'acheter. Il paraît que les garçons rattrapent les filles à mon âge. L'année prochain, j'espère bien passer Lucy d'une tête... et si je me mets au sport en dehors des cours, je serai peut-être aussi fort qu'elle.
Bon, au travail. D'abord, trouver le rayon quotidiens, hebdomadaires, magasines. Comme c'est une partie de la bibliothèque que je ne connais pas, c'est une bibliothécaire qui m'informe:
-Les journaux sont maintenant digitalisés. Il faut aller sur les ordinateurs. Il faut d'abord choisir le journal, ensuite, on entre la date du jour recherché et puis les différents articles paraissent par ordre alphabétique. On peut aussi choisir par auteur ou par rubrique. Tu as ta carte de bibliothèque? Je peux te montrer si tu veux.
Je sors ma carte de biblio plastifiée, elle s'en empare et m'entraîne vers un coin reculé et calme de la grande salle. Il y a comme des alcôves avec chacune un ordinateur. J'en compte une dizaine. La bibliothécaire s'assoit devant l'un d'eux et commence à pianoter le numéro de ma carte. Elle se tourne vers moi:
-Alors, qu'est-ce que tu cherches?
C'est là que je dois avouer que je n'avais pas prévu le coup. Je pense très vite à quelque chose:
-Des articles scientifiques sur les rats, s'il vous plait. Euh... Je pourrai après faire tout seul? Je veux pas vous prendre votre temps...
-Oh, mais c'est pas un problème. Je suis là pour ça.
-Oui, mais il faut que je prenne des notes et tout et tout, alors ça peut être un peu difficile si vous êtes devant l'écran.
-Tu as raison. Je te montre pour la première recherche, après tu fais la deuxième et je contrôle si tu fais bien et si tout marche comme il faut, je te laisse faire la suite. Ça marche comme ça?
Son ton me rappelle celui de Mam avant de partir. Est-ce que j'ai vraiment l'air si petit que ça? Je crois qu'elle n'a jamais entendu parlé des digital-natives et cela ne lui viendrait pas à l'esprit que je sais peut-être mieux qu'elle faire des recherches sur un ordinateur. J'ai un instructeur hors pair à la maison mais malheureusement un accès restreint aux sources du savoir. Pour ma protection qu'il dit...

Round 24/30 écrit le dimanche 12 avril 2015

326 mots | 1780 signes

Je ne pensais pas que des recherches pouvaient prendre aussi longtemps. Je suis depuis une heure à la bibliothèque. J'ai passé le test de ma première recherche sur les rats; une histoire de test psychologique où un enfant avait un rat comme ami. Des chercheurs ont associé le rat à quelque chose de désagréable et finalement l'enfant ne pouvait plus voir le rat sans se mettre à pleurer. C'est un jeu cruel, même si je ne suis pas fan de rat... La bibliothécaire au grand sourire m'a finalement donn le feu vert et j'ai pu chercher. La prof d'anglais a parlé de journaux d'il y a 6 mois. Cela devait donc être autour de juillet août. Pendant les vacances. C'est le moment où ils ont du mal à remplir leur page. Je le sais, c'est mon père qui me l'a dit. Comme tout le monde est en vacances, il ne se passe pratiquement rien d'intéressant à raconter. J'aurais pu lui demander de m'aider mais après la rage que j'avais au coeur, je vais certainement pas m'abaisser à lui demander de l'aide!
Cela fait une heure que je suis là, le cul collé à la chaise en skaï et je n'ai rien trouvé, pas un petit indice, rien, que dalle, nada. J'ai épluché les articles de quelques journaux en les choisissant par jours de publication. J'ai réussi à décortiquer 5 jours. Je décide de changer de tactique. Je vais prendre un journal et regarder tous les jours des deux mois de cet été... après ceux que je viens de faire. Si l'évènement a eu une quelconque résonnance ce sera aussi dans les faits divers ou à la rubrique people, ou je ne sais quoi... Je ne sais même pas ce qu'elle faisant comme travail la mère de Lucy!
Soudain, une image me saute aux yeux: elle est là, c'est elle, en plus vieille mais sur une photo je la reconnais. C'est Lucy!

Round 25/30 écrit le dimanche 19 avril 2015

309 mots | 1687 signes

-Dardar! Dardar!
Je hurle. J'en crache presque mes poumons. Le parc est immense mais je l'ai quand même cherché partout. Lucy me l'a apporté, un peu par surprise. Elle l'a mis dans une boîte qui ressemble à un livre, avec des trous pour qu'il respire. Comme ça je n'avais pas besoin d'ouvrir la boîte. J'ai dit à Pap et Mam que j'allais au parc, parce que je ne voulais pas qu'ils se doutent de quelque chose si jamais le rat faisait un drôle de bruit dans sa boîte. Il ne s'est pas passé une heure. Dardar a commencé à faire des bruits bizarres, à gratter le bois de la boîte. Malgré mon angoisse de me retrouver nez à nez avec lui, j'ai entrouvert le couvercle... et ce salop de rat en a profité pour sortir. Je ne savais pas qu'ils pouvaient se faire si fins et passer une ouverture à peine plus large qu'un pouce. J'ai essayé de l'attraper par la queue. Peine perdue! Rapide comme l'éclair, il a couru sur mon bras, passé mon dos, j'ai senti ses petites pattes me gratter le long de la jambe et puis plus rien. J'ai regardé dans le buisson, dans l'arbre à côté. Rien. J'ai fouillé les poubelles du parc. Rien. Où? J'ai couru dans toutes les allées du parc, inspecté chaque recoin. Rien.
Et maintenant, c'est l'heure de rendre des comptes. Il est presque huit heures. Je ne suis même pas rentré pour manger. Mes parents doivent être fous d'inquiétude. Et moi je suis mort de trouille. La grande et sombre silhouette de Lucy est apparue à la porte du parc. Je la vois s'approcher. Je ne distingue pas encore ses traits. Elle ne doit pas encore voir mon regard paniqué, mes jambes qui tremblent et la sueur qui coule le long de mes tempes.

Round 26/30 écrit le dimanche 21 juin 2015

409 mots | 2176 signes | 02:00:50

Elle arrive. Je commence à distinguer ses traits. Un sourire lui barre le visage. C'est rare de la voir sourire. Je ramollis. Qu'est-ce que je vais dire? Qu'est-ce qu'elle va dire? Je me prépare au pire et tombe dans les pommes. Ça ne dure pas bien longtemps. Juste le temps de me prendre une bonne bosse sur le banc du parc. Quand je reviens à moi, Lucy est assise sur le banc, son téléphone à l'oreille. Il y a un drôle de truc qui me chatouille le cou. Je pense toute de suite au gazon... Et puis le gazon se déplace et vient me toucher la joue. Le gazon a des pattes et me monte sur la poitrine... Je m'assois d'un coup. Le gazon blanc voltige et retombe sur ses pattes avant de courir se réfugier sur l'épaule de Lucy. Elle me dévisage. Un autre sourire. Je suis gâté aujourd'hui.
-Alors Nabot! Je vois que tu l'as bien gardé le Dardar...
-Heu...
-T'emballe pas. Il est plutôt bien apprivoisé mais il n'obéit qu'à une personne. MOI. Quand je dis de ne pas ouvrir sa boîte, il y a bien une raison.
Je m'assois aussi. Je dois me remettre de mes émotions. C'est alors que deux silhouettes que je connais bien surgissent de derrière un buisson en courant.
-Mon Dieu, Tom! Tu nous a fait peur!
Bizarre, je croyais que mes parents étaient athées.
La voix dure de mon père:
-Tu nous explique maintenant. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de rats? Elle es où Lucy?
-Papa, calme toi. Lucy, elle est juste devant toi. C'est elle, dis-je en la pointant du pouce.
Ma copine se lève et donne la main successivement à mon père et ma mère. Cette dernière me serre déjà dans ses bras comme si elle ne m'avais pas vu depuis des mois.
-Lucy, merci de nous avoir appelés. Nous étions prêt à aller à la police pour déclarer la disparition de Tom.
Je réagis:
-Tu le tiens d'où mon numéro de téléphone?
-Tu crois que je ne sais pas regarder dans un annuaire, minus?
Cette fois c'est trop!
-T'as fini de ma parler comme ça! Je ne suis pas un minus! Ça devrait être à moi de t'insulter. Pourquoi tu me fais garder ton rat alors que tu sais très bien qu'il fera tout pour te rejoindre?

Round 27/30 écrit le mardi 7 juillet 2015

220 mots | 1190 signes | 02:00:50

Je ne peux plus retenir ma langue. Les mots de colère et de frustration sortent avant que je ne puisse réfléchir.
-C'est qui le nabot dans toute cette histoire? C'est pas moi qui cache ma mère! C'est pas moi qui fait des blagues foireuses avec un rat blanc! C'est pas moi qui vole dans les magasins!
Comme des balles de mitraillette, les mots qui font mal tuent notre amitié naissante.
Pour une fois, Lucy en a le bec cloué. C'est elle qui baisse les yeux aujourd'hui. Sans un mot, elle se retourne et sort du parc en courant. Dardar, occupé dans la poubelle près du banc, l'entend s'enfuir et la rattrape en trois bonds, lui saute sur la jambe et remonte dans la capuche de son véhicule humain.
Mes parents, en conciliabule dans leur coin, n'ont pas remarqué la scène qui vient de se jouer. Ils se retournent étonnés au passage de Lucy. Un coup de vent. Ils n'ont pas besoin de poser de questions, je hausse juste les épaules. Ils mettront cela sur le compte des bizarreries de Lucy dont je leur ai déjà parlées. Je me mets en route pour rentrer à la maison. Ils me suivent tout en continuant à parler trop bas pour que je puisse distinguer leurs paroles.

Round 28/30 écrit le mardi 28 juillet 2015

245 mots | 1440 signes | 02:00:50

La semaine suivante, Lucy demande aux profs de la changer de place. Prétexte: je la dérange et l'empêche de travailler par mes bavardages. Chaque fois que je l'approche elle s'enfuit et quand je commence à lui parler de loin, elle se bouche les oreilles.
Je suis allé récupérer la petite annonce à la boulangerie pour avoir son numéro de téléphone et l'appeler, m'excuser. J'ai épuisé toutes les formes possibles et imaginables d'excuses. Je lui ai même envoyé des SMS par dizaines, jusqu'à épuisement de mon forfait. Après l'épisode de ma "disparition", ce sont mes parents qui ont insisté pour que je possède une de ces machines qui m'attiraient tant. J'ai bien écrit à l'imparfait. Ce n'est pas un téléphone qui achète l'amitié des autres. Aucun des élèves de la classe n'a voulu me donner son numéro.
Mon dernier message avant le mois prochain: "Tu étais ma seule amie. Va te faire foutre!" Pas très poétique ni diplomatique mais au point où j'en suis, je ne peux pas tomber plus bas.
Je ne suis pas heureux et je traîne ma carcasse à la maison et dans les couloirs du collège. Je suis retourné à la bibliothèque pour finir de comprendre le secret de Lucy. J'en suis d'autant plus ému que c'est une tragédie qui aurait pu se passer de mes petites investigations. Il aurait juste fallu attendre un peu avant que Lucy ne m'en parle... si seulement j'avais pu fermer ma grande gueule.

Round 29/30 écrit le vendredi 4 septembre 2015

369 mots | 2080 signes | 02:00:50

C'est l'instant décisif. Je me tiens droit, les yeux fixes, les oreilles aux aguets. Collé au mur, je tremble un peu. Je me donne de la contenance en me disant que c'est pour la bonne cause. Je respire un peu trop vite. Mon pouls bat un peu trop fort. Cinq minutes. Personne.
Dix minutes. Le temps se fait long. C'était quoi cette histoire de relativité, au fait? Le personnes qui attendent trouvent le temps plus long que celles qui voyagent. A la vitesse de la lumière, si une personne partait quinze ans dans un vaisseau spatial en laissant son jumeau sur Terre elle reviendrait presque inchangée pendant que le frère a vieilli de ces quinze ans. Le prof de physique avait raison... Une personne qui attend trouve le temps long... surtout quand l'activité qui l'attend n'est pas agréable.
Un bruit. Une porte qui claque. Des baskets qui crissent sur le lino des couloirs. Des voix cassées, des "mutants" comme les appelle si gentiment la prof de musique... Moi, je n'y suis pas encore, mais parfois, j'aimerais bien que ma voix mue un peu plus vite, histoire de faire plus grand, plus mûr... C'est Luca et sa bande. Rires gras. Ils sortent transpirants de leur entraînement de basket, cheveux longs et sales. Ils ignorent les douches et continuent leur chemin vers la sortie. C'est là que je les attends. Je sors de ma cachette et me plante devant eux. Surpris, le "chef" devant les autres se plante provoquant la confusion derrière et quelques carambolages. Malheureusement, ils se reprennent vite:
-Tiens! Un nabot! lance Luca d'une vois très mâle. Les autres grimacent derrière lui, des grimaces sensées être des sourires de vilains.
-Luca! Rends moi le rat de Lucy! Je hurle, hors de moi.
Me pointant du doigt, Luca se tourne vers ses copains, un sourire nigaud sur les lèvres. C'est la douleur au tibia et le bruit de ma course vers la sortie qui le fait se retourner. J'entends toute la troupe se précipiter à ma suite.
Lucy! J'espère que ton plan est bon! On a oublié un truc! Ils sont plus grands et plus rapides que moi!

Round 30/30 écrit le samedi 12 septembre 2015

616 mots | 3452 signes | 02:00:50

Dehors, c'est le froid qui me saute la figure. Je dérape à moitié sur une plaque de verglas mais réussis à me rattraper au poteau. La porte s'ouvre derrière moi. Je n'ai pas le courage de me retourner. Je fonce vers le point de rendez-vous. J'ai juste le temps d'entendre un juron et un choc derrière moi. J'imagine les grands nigauds en train de se fracasser par terre en passant sur la même flaque gelée que moi. Malheureusement, tous ne s'y sont pas fait prendre et pendant que je poursuit ma course effrénée vers la rivière en contrebas, les pas de la course me poursuivent sans relâche.
Enfin, j'aperçois la silhouette de Lucy. Elle se frappe de partout avec ses mains gantées. Elle semble transie.
-Lucy!
Juste son prénom et elle comprends. Elle enlève un gant et sort quelque chose de son sac et se prépare. Je fonce droit sur la rivière en passant le plus près possible de ma copine. Je sais que je peux dévier au dernier moment, je suis assez agile pour cela. Et Lucy est là pour la diversion.
Le souffle de Luca est proche. Il ne semble pas aussi essoufflé que moi. Je sens sa main agripper ma capuche. D'un geste leste je me défait de mon manteau et le regrette presque aussitôt. L'hiver est vraiment plus froid que d'habitude cette année!
Je passe en trombe à côté de Lucy. Luca toujours sur les talons avec encore un ou deux acolytes. Je les entends protester quand Lucy leur jette des graines pour animaux sur la tête. Mais ils continuent à me suivre. Pas de chance pour eux, la rivière est là. Je bifurque au dernier moment. Ils ont quand-même le temps de s'arrêter avant la berge. Moi je suis remonté à côté de Lucy. Elle a remis son gant et a recommencé à se frapper pour se donner chaud. Luca et ses deux comparses ont aussi fait demi-tour. Ils reviennent vers nous. Lentement. Ils semblent sûrs d'eux. Ils ont de quoi. Nous sommes dans un renfoncement à côté du pont. La seule sortie est bloquée. Dans leur cheveux sales pendent toujours les petits bouts de graines.
-Tu vas me payer ça, morveux! s'exclame Luca, remontant ses manches malgré le froid, un sourire vengeur sur les lèvres.
-D'abord tu vas me rendre Dardar, réplique Lucy plus calme qu'un moine bouddhiste.
-C'est bien ce qu'on va voir. T'es pas en position pour marchander. Et puis qui te dit que je l'ai ton rat?
-Faut pas être devin pour le savoir. Comment tu peux savoir que Dardar est un rat? Je ne t'en ai jamais parlé avant.
Pris sur le fait de sa bêtise, Luca écume. Il est maintenant à quelques centimètre de nous. J'ai un peu les chocottes:
-Lucy? Ce serait pas le moment... -Toi, la ferme! Luca me cloue le bec.
Je remarque le petit signe de tête de Lucy. Alors, je me baisse très vite et ouvre la boîte en carton dissimulée à ses pieds par un sac poubelle noir.
Une dizaine de boules blanches se précipitent hors de la boîte qu'elles n'avaient pas encore mangée et se ruent sur les trois compères aux yeux ronds comme des soucoupes. Luca court se jeter dans la rivière espérant se débarrasser des rongeurs voraces qui lui fouillent les cheveux à la recherche de la nourriture pour petits animaux domestiques que Lucy avait volée la veille au magasin spécialisé. Les deux autres sprintent vers le gymnase, leurs mains essayant de libérer leurs tignasses des ratons. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureux de voir ces animaux...