Round 1/56 écrit le samedi 7 mars 2015
515 mots | 3148 signes
L'homme est la mesure de toute chose. Si bien que la rencontre d'un lapin géant, je veux dire, un lapin anormalement géant, un lapin de plus de deux mètres, peut être de nature à effrayer, u horrifier, même si le lapin, à proprement parler, est un animale qui, dans certaines nations, est considéré comme un animal de compagnie, qu'il est donc mal vu de déguster dans sa sauce au vin, ou aux champignons, et bien sûr, ma première pensée, quand je vis ce lapin géant, alla à tous ces civets de lapins que j'avais mangés au cours de ma courte existence, et ma seconde pensée fut plus incongrue encore, puisque je me demandai s'il était possible que ce lapin puisse lire mes pensées. L'idée qu'un lapin puisse être télépathe peut surprendre, car elle implique de le croire doté d'intelligence et d'un pouvoir surnaturel, mais la rencontre de ce mammifère d'une taille anormale avait fiat céder en moi quelque chose, et le vraisemblable, le réel, le probable, l'improbable, le fantastique, le merveilleux, tout cela s'était mêlé, et mon instinct de conservation, désormais, me posait de manière lancinante cette question: et si cette bête qui t'observes de ses grands yeux découvre que tu as mangé quelques dizaines de ses congénères, il est possible qu'il se décide, par vengeance, à te manger aussi. A ce moment là, alors que la bête restait interdite, et me regardait sans me voir, une troisième pensée incongrue me vint: combien de repas pourrait-on faire avec la viande de cette bête? Il me dominait de deux ou trois têtes, mais le plus important demeurait sa corpulence: clairement il faisait trois à quatre fois mon poids. Il y en avait pour deux cents, trois cents kilos de chair. Voyant qu'il demeurait lui aussi comme interdit, je me mis à imaginer notre combat. Après tout, je pourrais peut-être le prendre de vitesse, bondir sur lui, l'amener à terre, lui faire une prise d'étrangement, et m'en sortir ainsi. Ce qui m'effrayait le plus, c'était ses dents. Des dents de lapin, sur un lapin de taille normale, c'est mignon. Mais, quand elles font trente centimètres et ressemblent à des faux, c'est moins mignon. Quant à fuir, j'écartais rapidement cette possibilité. D'un bond, la bête serait sur moi. Une dernière pensée s'imposa à moi, et m'apporta comme un détachement jamais ressenti, un détachement souverain et inouï: je n'échaffaudais ces plans que parce que j'imaginais que cette bête nourrissait quelque intention belliqueuse, mais, à vrai dire, je n'en avais nulle preuve, et concrètement, la bête ne m'avait donné aucune raison de douter de sa parfaite douceur. Après tout, rien n'imposait que son accroissement en taille ait altéré son caractère: changer de taille ne vous fait pas toujours changer d'âme. Je me souvins des câlins que ma grand-mère faisait à ses chats. Les enlaçant et frottant son nez à leurs museaux. Peut-être pourrais-je, d'un geste lent et doux, ouvrir mes bras, m'approcher, et enlacer l'animal, poser ma tête dans son coup, et par la chaleur de mon corps, diffuser dans sa poitrine un amour infini pour ma petite personne.